Espen Dietrichson
One of many unusual moments
L’œuvre d’Espen Dietrichson se décline sous diverses formes et medium: dessins, sérigraphies, sculptures, installations… L’artiste puise principalement son inspiration dans l’architecture, notamment l’architecture ‘Brutaliste’ qu’il photographie et dont il détourne les formes et l’idéologie, au sein d’un travail de déréalisation par le truchement du photomontage puis de la sérigraphie, ainsi qu’au travers de maquettes et de sculptures.
À l’invitation de la galerie Roger Tator (Lyon), Espen Dietrichson a passé le mois d’août 2012 en résidence à Moly Sabata – Fondation Albert Gleizes. Il présente ici les pièces inédites réalisées dans ce cadre. En parallèle et à cette occasion, un ouvrage monographique sur le travail d’Espen Dietrichson sera publié au mois d’octobre.
L’œuvre d’Espen Dietrichson présente une certaine constance de points de vues tout en offrant une forme de classification par médium: les sérigraphies montrent des vues de bâtiments contemporains héritiers de la tradition moderne et contemporaine; les objets sculptures sont des maquettes de grande taille reprenant le motif de répétition modulatoire de l’architecture moderne-contemporaine soulignée par l’effet miroir; toute une série plus récente vient ajouter à des paysages urbains ou à de grands paysages marqués par les infrastructures routières, leur décomposition kaléidoscopique.
Les œuvres d’Espen Dietrichson offrent dès le premier regard plusieurs niveaux d’analyses: au sujet qui surgit tels l’architecture ou le paysage urbain, s’ajoute l’analyse plastique à laquelle l’artiste les soumet.
Ce regard porté sur la modernité s’inscrit dans un nouveau mouvement plus vaste d’interrogation de la modernité initié depuis le début du XXIe siècle, entre autres, par Leonor Antunes (1972), David Maljkovic (1973) ou Falke Pisano (1978). Il existe chez Espen Dietrichson un lien très fort à la modernité qui ne s’inscrit pas seulement dans le motif répété, mais se double d’un travail de laboratoire sur la forme de l’art et de son rapport à nos mythes contemporains.
Que sont ces façades suspendues comme par un champ électromagnétique?
Que sont ces maquettes qui diffractent leur environnement? Que sont ces paysages qui se diffractent en une multitude de triangles comme autant de pièces d’un puzzle, mais qui de surcroît, créent un mouvement dans leur propre série, instituant sans doute moins un déplacement que le temps lui-même?
Le grand dilemme est de retour: où est l’esprit? La modernité aurait-elle pu avoir une âme que nous n’aurions pas vue, qui plus est, une âme sombre?
L’architecture joue donc chez Espen Dietrichson le rôle de l’art en tant qu’absolue transformation du monde, jusque dans notre perception. Et c’est un double mouvement contradictoire qu’il met en place par ses œuvres, entre une perception architectonique portée par le rationalisme, et son effondrement conduit par l’emballement de ce système. Un effondrement épidémique.