Sarah Morris
Once a Thief
A travers ses peintures, dessins et films, l’artiste américano-britannique Sarah Morris développe une fine analyse des typologies urbaines, sociales et bureaucratiques. Ainsi, Rio investit de nombreux lieux et événements dans la ville tels le bureau de l’ingénieux Oscar Niemeyer peu avant sa disparition, le siège d’Eduardo Paes (actuel maire de Rio), la mise en place du carnaval avec sa fameuse parade des «chars gagnants», le quartier de la Cité de Dieu ainsi que les locaux de l’usine à bière Brahma.
Ce onzième film est un nouveau portrait de ville (Chicago, Beijing, Los Angeles, Miami) qui expose les particularités de son architecture mais pas seulement; le personnage principal n’est autre que la ville entière, l’accent est porté sur son organisation sociale et politique au moment même où le Brésil tente de s’ouvrir plus vers l’extérieur.
L’espace et sa structuration sont omniprésents dans les œuvres de Sarah Morris et ses peintures ne dérogent pas à la règle puisqu’elles proposent non seulement de refléter les lieux qu’elles habitent mais également de les reconfigurer. Les toiles de la série Rio exposent des diagrammes et des compositions abstraites dynamiques — des schémas, selon les propres mots de l’artiste. Elles déplient les différentes contradictions de Rio et s’inspirent notamment des réalisations de Roberto Burle Marx, Lina Bo Bardi mais aussi des cycles lunaires et même des couvertures d’album de Bossa Nova.
Et si cette fois, dans les formes arrondies qui apparaissent dans les peintures de Sarah Morris, il est difficile de ne pas reconnaître un clin d’œil aux courbes généreusement présentes dans l’architecture de Niemeyer, cette série évoque également comme sources d’inspiration le Carnaval de Sambódromo, les nombreux bars à jus de fruits de Rio, les chaises longues et les parasols de plage ou des produits de grande consommation brésiliens comme la Brahma, la bière préférée des cariocas.
Une série de gouaches sur affiches de films viennent compléter cette nouvelle exposition, qui souligne la distribution internationale et sérielle de films dans différents pays, associant ainsi les territoires de l’auteur, de la production et de la réception avec ce que l’artiste considère comme des narrations ouvertes. Once a Thief, La Piscine, F for Fake (intitulé Vérités et Mensonges dans sa version française), It’s All True, Il Coltello Nell’Acqua (dont le titre français est le couteau dans l’eau), Plein Soleil, Ogni Nudita rehaussées par la composition codée de Sarah Morris mettent en lumière les séduisants systèmes de propagande des domaines culturels — et notamment cinématographique — aussi bien que leurs lieux de tournage.
Le nouveau film de Sarah Morris Strange Magic, commissionné par la Fondation Louis Vuitton, est actuellement présenté à l’occasion de l’exposition inaugurale de la
Fondation à Paris.
Patrick Javault reçoit Sarah Morris dans le cadre des entretiens sur l’art, à la Fondation d’Entreprise Ricard, le 12 Novembre 2014, à partir de 19h.
Sarah Morris est née en 1967 au Royaume-Uni et a grandi à Providence, Rhode Island, USA. Elle vit et travaille à New York.