Antoni Muntadas croise les matériaux et les disciplines artistiques: la vidéo, la photo, l’installation et internet.
Un film, deux écrans perpendiculaires et un fauteuil drapé: l’installation The Nap/La Siesta/Dudje a été conçue à l’occasion de l’exposition Beyond the Bridge: Joris Ivens, Source for Media Artist dans laquelle six artistes étaient invités au Netherland Film Museum d’Amsterdam à s’inspirer l’œuvre du cinéaste hollandais Joris Ivens.
Le film rassemble des fragments documentaires de Joris Ivens du début du siècle, ponctués par des images d’un homme faisant la sieste sur un fauteuil et semblant rêver. En quelques minutes nous sommes témoins de constructions, de travaux à la chaîne, du travail du semeur, des réussites et dysfonctionnements du capitalisme — manifestations, destructions, guerres, etc.
On Translation: Petit et Grand combine une vidéo, des livres, des affiches et des photographies. La vidéo reprend des titres extraits des médias, notamment de journaux, et choisis parce qu’ils contiennent l’adjectif « grand ». La bande son se compose de chansons françaises de différents époques et styles qui ont en commun le mot « petit ». Les livres, les affiches et les logos commerciaux exposés (La Folie des grandeurs, La Petite Roque de Maupassant, Le Petit Suisse, etc.) obéissent au même principe: comporter les mots « petit » ou « grand ».
On Translation: Petit et Grand fait partie d’une œuvre plus importante, On translation, débutée à Helsinki en 1995. Elle se poursuit dans différents médias et pays: On Translation : The Internet Project était présentée à la Documenta X de Kassel en 1997, On Translation: The Audience en 2000 à Rotterdam.
Il s’agit d’interroger la traduction, qui est une question majeure à l’heure de la mondialisation, notamment en s’inspirant de conférences internationales. Il s’agit surtout d’interroger l’interprétation. On Translation: The Games (1996) oppose à cet égard l’objectivité supposée du traducteur — toujours caché, insoupçonné d’humaine subjectivité. L’œuvre souligne également la part jouée par l’interprétation subjective en art.
Dans On Translation: Petit et Grand, Muntadas met à l’épreuve la langue, le langage, mais aussi les discours en faisant apparaître aux spectateurs de langue française eux-mêmes l’énorme et insoupçonnée récurrence des adjectifs « petit » et « grand » dans la rhétorique médiatique.
C’est par accumulation et inventaire que l’œuvre procède pour donner consistance et visibilité aux phénomènes. Depuis 1994, The File Room consiste à recenser et archiver tous les cas de censure connus à travers le monde. Muntadas accumule également, dans Between the Frames : The Forum (1994), les entretiens qu’il enregistre sur vidéo avec des personnalités du monde de l’art. Ces recherches et inventaires, qui se prolongent parfois sur plusieurs années, ne sont pas destinés à réaliser des ouvrages, mais des installations artistiques. The File Room est interactive: les spectateurs et les internautes peuvent consulter les données et en entrer de nouvelles.
Comme la plupart des œuvres de Muntadas, elle est aussi évolutive: Between the Frames: The Forum est interprétée par une tierce personne à chaque nouvelle exposition — au Berkeley Art Museum, c’est le philosophe et critique d’art John Rapko qui a conçu l’installation ; à chaque exposition de On Translation: The Audience, un nouveau triptyque est produit.
L’adaptation au pays est un trait majeur de la série On Translation où l’interrogation sur la traduction se décline selon la langue (petit et grand), la culture ou les événements historiques (jeux olympiques, conférences internationales). On Translation est une œuvre conceptuelle au sens où l’idée prévaut sur la réalisation, une œuvre-processus, une œuvre détachée de tous liens territoriaux et temporels.
— On Translation : Petit et Grand, 2001. Vidéo, livres, affiches, photographies.
— The Nap/La Siesta/Dudje (la sieste) , 1995. Installation. Un film, deux écrans, un fauteuil drapé.