On the edges

«On the Edges» présente trois séries de photographies prises successivement dans les périphéries d’Istanbul, de Berlin et de Johannesbourg. Laurence Bonvin enregistre les marges de ces villes de manière systématique, comme pour en constituer des archives, et soutenir des explications et observations.

A l’occasion d’une résidence en Afrique du Sud, Laurence Bonvin a photographié, en 2009, Johannesbourg, entre espaces de désolation, no man’s land, et ville saturée.
Les éléments urbains — bâtiments, fils électriques, routes bétonnées —s’intègrent difficilement dans un espace laissé à l’abandon. Une discontinuité coupe la ville des no man’s land où le cadre urbain se fait fantomatique, où des hommes et des femmes errent, solitaires, abandonnés, exclus. La ville reste pour eux une chimère.

À l’inverse, le triptyque sur Istanbul, Istanbul Peripherak II (Triptyque), présente un panorama de «gated communities». Dans un paysage rationalisé, presque aseptisé, des pavillons colorés et identiques s’opposent, au premier plan de l’image, aux terrains vagues d’un espace réduit à l’état de chantier, encore dépourvu de routes. Comme à Johannesbourg, l’espace urbain inachevé ne s’intègre pas dans le paysage. En écho à ce morcellement du paysage, Laurence Bonvin a divisé son panorama en trois parties.

Les clichés de Laurence Bonvin ne sont cependant pas documentaires, elle ne se contente pas d’enregistrer objectivement et systématiquement ce qu’elle voit. Dans la série sur les «gated communities» d’Istanbul, ironiquement intitulée On the Edges of Paradise, elle prête attention à l’esthétique des espaces vides et morcelés.
A l’intérieur des pavillons, elle découvre de véritables scènes de genre, et enregistre à la lumière artificielle tous les éléments du décor: piscines, chiens, gardiens, fils barbelés et caméras de surveillance. C’est un théâtre de carton, et des habitants ravalés à l’état impersonnel de mannequins, qu’elle présente.

L’accrochage renforce la sensation de déshumanisation que l’on éprouve devant les images de Laurance Bonvin: trois rangées de cinq photographies sont disposées sur le mur, mais sur chacune des rangées trois emplacements sont laissés vacants, comme pour désigner le vide des territoires fermés sur leur inachèvement.

La série sur les banlieues de Berlin-Est présente, à l’inverse des précédentes, des lieux chargés de sens historique, et d’épaisseur humaine. De jeunes gens font du skate, se promènent, discutent, sans se soucier du poids historique des éléments urbains — statues, pans du Mur de Berlin — qui les entourent. Le poids de l’histoire de Berlin-Est sert paradoxalement aux habitants de cadre pour une vie urbaine libre et humaine.

En fait, Laurence Bonvin traite la ville comme un décor, sans critiquer, mais en essayant de créer des fictions. Berlin-Est est ainsi un théâtre où les gens se confondent avec les statuaires publiques; les «gated communities» d’Istanbul servent de décor à des scènes à la fois inquiétantes et drôles.
Quant à Johannesbourg, Laurence Bonvin porte un regard esthétique et poétique sur les hommes et les femmes qui vivent et travaillent dans un territoire en perdition où ils n’ont pas de place.

Ces trois séries déclinent la ville comme un théâtre de la condition humaine.

Liste des œuvres
— Laurence Bonvin, Istanbul Peripheral II (triptyque), 2005. C- Print digital, PVC, acrylique.
— Laurence Bonvin, On the Edges of Paradise, 2005-2006. C- Print digital, aluminium, cadre.
— Laurence Bonvin, Diepkloof, Soweto, 2009. Impression numérique, PVC.
— Laurence Bonvin, Far East Bank, Alexandra, Johannesburgh, 2009. Impression numérique, PVC.
— Laurence Bonvin, Diepkloof, Soweto, 2009. Impression numérique, PVC.
— Laurence Bonvin, Lombardy West, Johannesburgh, 2009. Impression numérique, PVC.