Politik’art, François Havegeer et Sacha Léopold, Jean Collas, Ugo Mulas, Gunther Becker, Reiner Ruthenbeck
On ne se souvient que des photographies
«On ne se souvient que des photographies» est une édition exposée. Elle est le fruit de la rencontre et du dialogue entre le Groupe de recherche «l’art moderne et contemporain photographié» (master 1) de l’Ecole du Louvre et le master 2 professionnel Politiques Culturelles de l’Université Paris Diderot – Paris 7 représenté par cinq étudiantes de l’association Politik’art.
Confiée aux graphistes François Havegeer et Sacha Léopold, connus sous le nom de Syndicat, elle place la démarche de recherche scientifique au centre de son propos et opère comme un processus réflexif in progress. Ce projet rend compte des recherches des dix étudiantes du master 1 de l’Ecole de Louvre accueillies à la Bibliothèque Kandinsky (Centre Pompidou MNAM-CCI). Elles ont travaillé chacune cette année sur un mémoire sous la codirection de Didier Schulmann, conservateur de la Bibliothèque Kandinsky et de Remi Parcollet, post doctorant au Labex «Création, Arts et Patrimoine».
Susan Sontag questionne dans son dernier livre Devant la douleur des autres (2003), l’impact de la photographie sur notre perception des événements historiques et contemporains. Le titre «On ne se souvient que des photographies» est une référence à une citation de l’essayiste, qui insiste sur ce phénomène perceptuel particulier et pourtant rarement abordé: le moment où le souvenir de la représentation se superpose à celui de l’événement au risque de l’effacer.
«Le problème n’est pas qu’on se souvient grâce aux photographies, mais qu’on ne se souvient que des photographies.» Susan Sontag, Devant la douleur des autres, trad. de l’anglais par F. Durant-Bogaert, Paris, Christian Bourgois, 2003, p. 97.
L’apparition de la photographie et son utilisation pour reproduire des œuvres d’art ou rendre compte des pratiques artistiques a bouleversé bien des repères. Par ailleurs l’archive concernant l’art moderne et contemporain tend de plus en plus aujourd’hui à s’émanciper de son statut purement documentaire. Conséquence de l’évolution processuelle et conceptuelle de l’art depuis les années soixante notamment, son statut côtoie celui de l’œuvre en particulier à travers la photographie.
Cette exposition-édition a pour objet de matérialiser une réflexion non seulement sur la pratique et la production de l’image documentaire, mais encore et surtout, sur l’archive, ses usages, la diffusion et la réception de ces photographies. Elle ambitionne d’interroger le trajet des photos et la circulation des œuvres d’art et des pratiques artistiques à travers différents supports (tirages photographiques, photographie imprimée, livre, catalogue, magazine, revue, carton d’invitation, affiche, carte postale, image numérique).
Il s’agit d’identifier les causes et les mécanismes du processus de patrimonialisation par la photographie de l’exposition et des œuvres exposées, des pratiques artistiques éphémères, immatérielles ou encore in situ. Car si la photographie de vue d’exposition, d’atelier, de performance, de danse ou encore de mode est appelée à intégrer pleinement le patrimoine photographique, elle ouvre surtout un champ d’interpellation aux méthodes de l’histoire de l’art, de la critique et en conséquence aux pratiques muséographiques ou curatoriales. Les campagnes de numérisation s’amplifient peu à peu et ces archives photographiques sont confrontées à de nouveaux enjeux, non plus seulement de préservation mais de diffusion et de mise en valeur. Quelles en sont les conséquences en termes artistique, scientifique et pédagogique?