Marc Couturier, Roland Flexner, Grégory Masurosky, Olivier Michel, Bernard Moninot, Jean-Luc Parant, Jaume Plensa, Jean-Pierre Raynaud, Klaus Rinke, Gérard Titus-Carmel, Robert Wilson
Ombres et lumières
Paradoxe de la nature, ce que les scientifiques nomment un trou noir dans l’univers serait les restes des étoiles les plus brillantes: la lumière ne va pas sans ombre, tout comme le visible sans invisible. Au début du XVe siècle, Alberti affirmait que «les choses paraissent plus belles lorsque le blanc et le noir sont en proportion égale».
Mais au-delà des jeux et des effets graphiques inhérents à leur rencontre, noir et blanc accentuent la part intelligible du monde, exposent à la lumière détails et événements, révèlent la part d’ombre secrète ou mystérieuse contenue en toute chose.
Dans « Ombres et lumières », les artistes agissent en toute liberté. Le dessin émerge tout autant du noir que du blanc, de leur autonomie respective que de leur confrontation.
Ainsi, irisations et transferts d’encre de Roland Flexner pour des astres, des observations microscopiques ou des paysages chimériques; répétition effrénée et minutieuse de points et de traits à la plume chez Grégory Masurovsky pour évoquer les formes improbables d’une planète nouvellement identifiée; là où Olivier Michel multiplie à l’infini la superposition, voire la saturation d’une trame pour atteindre les profondeurs d’un abîme.
Marc Couturier, lui, dessine sans interruption jusqu’à recouvrement de la feuille dans ses Dessins du troisième jour, illustration foisonnante d’un épisode de la Genèse, encore plongée dans l’obscurité.
Tel un chercheur, Bernard Moninot expérimente, invente des dispositifs pour observer, capturer, restituer des phénomènes naturels. Les ondes provoquées par plusieurs ricochets à la surface de l’eau se déploient en sept instants; sur le noir de fumée et dans la brillance du graphite surgissent des flammes solaires; en réserve et soulignés par un rétro éclairage, les tracés aléatoires de végétaux secoués par le souffle du vent s’illuminent.
Comme s’il mimait la technique photographique, Moninot surexpose le dessin d’un agrandisseur en l’enfouissant peu à peu dans une trame obscurcissante alors qu’un délicat tracé au crayon en suspens sur un écran de soie révèle ses détours, ses ombres portées dans une lumière éclatante, résolument en opposition avec le trait blanc soustrait au noir profond de la carte à gratter de Gérard Titus-Carmel.
Un peu plus loin, Klaus Rinke reporte méthodiquement ses déplacements programmés sur la trajectoire d’une spirale ; au centre de papiers calque marqués d’un cercle à l’échelle du corps, tel l’envergure d’un homme de Vitruve, Jaume Plensa emprisonne dans des bulles de résine un inventaire de déficiences physiques : cécité, surdité et mutisme.
Enfin, Jean-Pierre Raynaud joue discrètement du dédoublement d’une trame régulière en pleine lumière naturelle pour un vitrail de l’abbaye cistercienne de Noirlac, quand Robert Wilson étudie la lumière et les ombres d’une tragédie mythologique.