«Yékri! Yékra! Yémistriki! Yémistrikra! Est-ce que la cour dort? Non, la cour ne dort pas.» Ainsi dialoguent le conteur et l’auditoire des contes antillais. Tel aurait pu être l’exergue de «OMA: Outre-Mer Art Contemporain», exposition ouvertement centrée sur l’imaginaire des Antilles.
Les énergies noires et blanches, les démons des nuits moites, le bruit continu des ressassements incessants de la mer, la mort et ses fantômes de papier, l’impérieuse envie de danser, les totems cramoisis, et le sang rouge, toujours; toutes ces mythologies des Antilles affleurent dans les peintures, sculptures, installations, vidéos et photographies des artistes présentés à «OMA».
Ainsi, un liquide épais et rouge — du sang? — bouillonne des photographies de Thierry Fontaine; les visages lunaires des nécrologies de France-Antilles toisent les visiteurs de leur regard d’outre-tombe; les sabliers de sable de Rodrigue Glombard nous rappellent que le temps nous est compté; les totems sculptés de figures magiques de Louis Laouchez se dressent à l’instar du «poteau mitan», ce lien nécessaire entre ciel et terre; les ciels furieux et terribles de Jean-François Manicom, intenses comme les toiles de Richter, cachent des dragons — imaginaires ?
Des croyances et des enjeux bien loin de l’exotisme de pacotille qui colle à l’image de ces îles. Ainsi la vraie Guadeloupe — ses intérieurs, ses enfants qui jouent, ses vieux qui palabrent au «lolo» du coin, ses danses dans les salles des fêtes — se dévoile, pudique, à travers les photographies de Nicolas Nabajoth. Celles de Mirto Linguet retracent des histoires à travers les visages, comme si ces derniers étaient des paysages de vie.
Alors que donner à voir une création par le prisme communautaire est délicat (quels artistes choisir? Quelles facettes mettre en évidence?), le commissariat de «OMA» est plutôt bien pensé. Cette exposition, resserrée autour de vingt-deux artistes — dont, hélas!, deux femmes — de quatre DOM (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane et à l’exception du grand oublié, Mayotte, pourtant devenu le cinquième DOM en mars 2011) se focalise sur l’imaginaire des îles tout en évoquant tout de même ses réalités.
Si l’on peut déplorer qu’il faille employer une logique de discrimination positive pour valoriser les artistes antillais comme il avait fallu «Elles» pour les artistes femmes au Centre Pompidou, «OMA» est une proposition nécessaire qui mérite qu’on s’y attarde.
— Nicolas Nabajoth, Inno sens, Guadeloupe, 2011. Photographie noir et blanc.
— Thierry Fontaine, Terre, ici la couleur est évidente, 2006. Photographie couleur. 244 x 300 cm.
— Mirto Linguet, Prometheum, 2008. Photographie couleur. 90 x 70 cm.
— Stéphanie Hoareau, La montagne, 2010. Installation de 6 toiles suspendues, acrylique sur toile. Environ 1,50 x 3 m.
— Thierry Tian-Sio-Po, Faux notable en costume d’époque, 2011. Acrylique sur toile. 150 x 239 cm.
— Jean-François Manicom, Tournautour (Chef de meute), 2011. Photographie couleur.