Non conformes? Aux critères d’une quelconque commission de sécurité? Ces sculptures minimalistes, brillantes ou blanches, auraient subi des examens à l’égale de n’importe quel produit de consommation?
Un premier regard d’ensemble jouit de ce travail de la lumière, de la forme et du poids. Des objets lourds, d’une vingtaine de centimètres, en céramique, d’un blanc brillant ou mat, semblent très légers : ils flottent dans l’air, retenus par une simple ficelle ou gisent sur le sol. Une danse des formes en quelque sorte. Cet agencement abstrait semble fait pour apprécier le jeu des matières.
Lorsque le visiteur poursuit ce rapide tour d’horizon, il continue à considérer les subtilités de ce travail formel : des formes oblongues en verre reposent verticalement sur une plaque d’aluminium ou horizontalement sur une tablette accrochée au mur.
Mais à y regarder de plus près, et en considérant le titre assigné à chacune des pièces, un autre point de vue se construit, sans nuire vraiment à la jouissance originelle. Plutôt, il s’adjoint aux premières impressions pour désarçonner le spectateur.
Sous la sculpture, des produits de consommation standard sont identifiables. L’artiste les a détournés avec ironie. Des brassards en bronze, un jeu de bowling en verre, une batte de base-ball en verre et une balle en aluminium, des pare battage en céramique apparaissent : même taille, même forme, tout y est si ce n’est le matériau utilisé absolument hors norme.
Devant notre regard troublé, la balle de base-ball s’expose: tout est reproduit au détail près, comme les petites coutures ciselées à même… l’aluminium. La boule de bowling et ses trous pourraient contenir la main d’un joueur visible à travers… le verre.
Ce manquement au cahier des charges est tellement flagrant qu’il nous prête à rire. Le visiteur ordinaire peut se transformer en scénariste génial lorsqu’on imagine quelle utilisation de ces pièces pourrait être faites. Des développements drôles ou cyniques peuvent affleurer…
Ainsi les brassards flotteurs sont Submersibles. Répliques ratées des flotteurs destinés aux apprentis nageurs, ces bouées en bronze laissent entièrement apparente la couleur du matériau. Elles valent littéralement leur pesant d’or et couleraient n’importe quel utilisateur. Le jeu de quilles translucide Hors-jeu est en verre : il se briserait au premier lancé d’une boule elle-même très fragile.
Le visiteur peut alors s’enivrer des qualités formelles de ces simulacres, mais aussi libérer son imagination pour élaborer de cocasses fictions. Cette place laissée au hors champ de chaque sculpture est une véritable libération pour le visiteur, l’occasion d’une prise de distance avec ses conditionnements, ses réflexes de consommateur.
Désaccordée, la corde à sauter en verre donne peut-être la clé de ces points de vue multiples infléchis par les sculptures. Car de cette exposition naît effectivement de la dissonance : le visiteur ne cesse de confronter dans un même élan sa surprise par rapport au travail de la matière et les sursauts de son imagination.
Olivier Sévère
— Elements 1, 2006. Pare battage, céramique. 38 x 13 cm.
— Elements 2, 2006. Pare battage, céramique. 26 x 10 cm.
— Elements 3, 2006. Pare battage, céramique. 25 x 16 cm.
— Coup Dur, 2006. Verre et aluminium. 80 cm.
— Désaccordée, 2006. Verre. 115 cm.
— Ensemble de pare battage, 2006. Céramique.
— Submersibles, 2006. Bronze. 20 x 15 x 15 cm.
— Hors-Jeu, 2006. Verre. Dimensions variables.
— Knock-Out, 2006. Marbre sculpté. 125 x 38 cm.