Olivier Mosset, Paz Corona
Olivier Mosset-Paz Corona
On connaît les complicités d’Olivier Mosset, ses fréquentes invitations à d’autres artistes à coloniser ses expositions qui, de personnelles, deviennent collectives. On peut énumérer facilement quelques uns de ses amis, toujours plus nombreux, qu’il protège, diffuse et collectionne afin que le monde de l’art les reconnaisse. Récemment, l’exposition au Magasin de Grenoble (2009) signée Olivier Mosset et Yves Aupetitallot, Portrait de l’artiste en motocycliste, a démontré l’importance de son influence conceptuelle sur plusieurs générations.
De même, plus succinctement, l’exposition Radical Postures, présentée à la galerie de Bruxelles en 2010, a évoqué les tendances contemporaines renvoyant au minimal et à la culture rock; tandis que son exposition personnelle au Musée d’art contemporain de Lyon, à l’automne 2010, a impressionné par la radicalité de la proposition. Le titre même de cette dernière l’impose car Mosset a sciemment remplacé son nom par une énumération (A Step Backwards / Bob’s Kitchen / Caprice / Carré bleu sur fond blanc / Cimaises / Dave’s Corner / Duster / Escort / Estate / Les Socles révolutionnaires / Skylark / Sun City / Toblerones / Trésor public).
Figure contemporaine incontournable, Olivier Mosset échappe toujours au discours figé en multipliant les expositions et les projets artistiques décalés. En ce moment, il repeint voitures et motos dans son atelier de Tucson (Arizona), tout en préparant, entre deux allers et retours en Europe et entre autres choses, son exposition chez Mary Boone à New York.
Olivier Mosset est reconnu depuis longtemps pour ses monochromes monumentaux, qu’il peint selon les périodes dans des couleurs pâles ou vives. Parfois insatisfait, il peut lui arriver de recouvrir la couleur de blanc comme la série présentée en 2001 à la galerie en duo avec Steven Parrino qui montrait quant à lui une série noire. D’une manière générale, Mosset détourne la demande artistique, en envahissant, par exemple, le centre d’art de Noisy-le-Sec avec des pierres démontées de la prison de la Bastille ayant servi de socles aux Maillol des Tuileries et sur lequel Brice Marden s’est fait tirer le portrait tout en s’associant pour l’exposition à un dessinateur de Muses du XVIIIe, Clarac. Tout comme il a conçu des sculptures Toblerone, inspirées de défenses antichars en béton armé qu’il a racheté aux cantons suisses et qu’il décline en glaçons monumentaux de trois tonnes, dont l’eau s’écoule sur le sol du Musée de Lyon ou sur celui de la foire de Bâle…
Cette fois-ci, Olivier Mosset invite une artiste inconnue: Paz Corona. De fait, elle n’a jamais exposé, c’est sa toute première fois, une occasion que Mosset a déjà offerte à des artistes telles qu’Amy Granat ou Sylvie Fleury. Nous pourrions dire que son travail se place en contre pied de celui Mosset. Elle peint à l’huile sur une toile brute qu’elle recouvre de figures sur des fonds inachevés. Elle peint à grands traits, parfois violents et dans certains portraits monumentaux au-delà de la peinture apparaît l’objet visé (regard, voix, le rien).
Le langage n’est ni expressionniste ni strictement figuratif, sa peinture est une matière mate, opaque, travaillée presque sans médium, parfois retirée comme pour une sculpture. Oserais-je dire une «peinture sans qualité» ? Le nonsense s’élabore sur la toile comme il peut émerger d’un texte de Lewis Carroll. Elle donne à voir la dissonance, le détail qui cloche ; on pourrait parler de portraits ratés au sens où le vivant est imparfait. S’il y a du féminin dans ce travail c’est dans le «pas fini» et dans la contingence confrontée à la liberté de la décision.
C’est donc un challenge de confronter les grands monochromes de Mosset qui, avec leurs surfaces quasi invisibles, insérées volontairement à l’architecture de la galerie, ne serviront presque qu’à renvoyer le regard vers les toiles de Paz Corona. A quoi Mosset veut-il nous faire réfléchir en nous proposant cette confrontation entre le tout-peint du monochrome presque lisse et l’inachevé du non-peint. Est-ce un éclat d’humour provocateur ou une manière d’abolir les frontières et de démontrer que le dialogue de sourds entre écoles picturales est inopérant face à la réalité de la peinture elle-même? Au final, rien de gratuit dans cette exposition, tout au contraire: la radicalité de l’un répondra au «sans-concession» de l’autre et comme d’habitude ce sera au visiteur de décider, de choisir et de commenter, Mosset et Corona proposent et se retirent, au public de voir.