Lorsque l’on pénètre dans la salle principale, force est de constater l’hétérogénéité des œuvres présentées. Hétérogénéité de couleurs, de formes, de mediums. Des noms illustres et d’autres encore un peu confidentiels, apprennent à se côtoyer le temps d’une exposition.
On est immédiatement accueilli par les vingt monochromes dorés de Bernard Aubertin, ancien membre du groupe Zero, qui fit l’objet d’une exposition particulière en avril 2012 dans cette même galerie. Son vocabulaire plastique rappelle Yves Klein et Robert Ryman. Aubertin joue avec les vibrations de la matière dorée, son énergie et sa lumière, afin de créer de multiples effets de surface.
Ces carrés dorés faits d’acrylique sur papier côtoient quelques-unes des œuvres de Paul-Armand Gette. Intitulées Quelques effets du volcanisme, ces collages sur peinture réalisés en 2009 font suite aux recherches que l’artiste développe depuis les années 1970. Superposant des images de sexes féminins et de volcans, Paul-Armand Gette tend à conjuguer deux de ses domaines de prédilection que sont la nature méditerranéenne et la sexualité féminine. Également sculpteur et photographe, IL parvient à créer une œuvre métaphorique qui mêle art, science et nature.
Sur le mur de droite, les encres de Chine sur papier de Benjamin Swaim. Après avoir exposé la série «Salammbô Schreber» à la Galerie Brolly fin 2011, l’ancien élève de l’ENSA est ici représenté par ces images étranges qu’il récupère dans des livres et qu’il recouvre d’encre de Chine.
Benjamin Swaim parvient ainsi à créer des «clichés» fantasmagoriques représentants le Danemark et la Côte d’Ivoire. En se réappropriant ces images, il nous invite à appréhender le réel d’une nouvelle manière.
Dans un espace plus confidentiel et reculé, on aperçoit trois fusains sur papier d’Eugène Dodeigne. Reconnu pour être l’un des sculpteurs les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle, il expose trois dessins datés de 1993 et 1994. Expression et tension caractérisent ces corps humains, dessinés comme s’ils avaient été sculptés.
Enfin, l’artiste new-yorkais David Scher expose deux œuvres issues d’un imaginaire particulier, à la fois absurde et déjanté. Entretenant un rapport trouble à l’histoire de l’art et multipliant les clins d’œil à cette discipline au gré de ses compositions, David Scher semble se moquer des lois qui «régiraient» le monde de l’art. Dès lors, il propose un univers qui lui est propre et sans «frontières».
La visite de l’exposition se poursuit dans la salle du fond. Marielle Paul expose trois gouaches sur papier réalisées en 2012. Paysage avec soleil vert, Objet et Soleil, s’inscrivent dans les recherches menées par l’artiste depuis 1995. Elle crée des peintures d’objets issus de son imaginaire ou de paysages qui n’existent que dans son esprit. Sa peinture, intimiste et colorée se révèle être à la fois simple tout en étant raffinée, entre figuration et abstraction.
A ses côtés, trois œuvres du jeune artiste Mathieu Cherkit, repéré au salon de Montrouge en 2010. Ses pastels gras ont tout de suite su attirer le regard éclairé de Jean Brolly. Intérieurs de maison (celle de ses grands-parents à Saint-Cloud notamment), habitats vus de l’extérieur, Mathieu Cherkit travaille tant ses perspectives que ses couleurs, que l’on pourrait comparer à Matisse.
Flirtant avec le néo-impressionnisme (pour les thématiques traitées) et certains vues proprement cubistes, l’artiste propose une nouvelle définition de la peinture contemporaine ainsi qu’une redéfinition picturale du réel.
Drawing for an Unknow Wall #7 de David Tremlett, orne l’un des murs et présente trois cercles de couleurs différentes sur un fond blanc. Adepte de figures géométriques, David Tremlett privilégie les signes fragmentaires à la forme figurative claire et définie. Il est aussi sculpteur. Ainsi, ce pastel sur papier peut être perçu comme une esquisse préparatoire, tant son titre indique que le dessin tend à investir un mur, à se matérialiser.
L’allemande Tatjana Doll clôture cette exposition avec Drive In. Une voiture, un cadre urbain, comme un air de bande dessinée pour cette œuvre si caractéristique de l’artiste. Fascinée par l’objet, le quotidien, Tatjana Doll n’entreprend pas de dénoncer ou vilipender notre mode de vie consumériste, elle veut simplement peindre. Peindre des formes, avec force et conviction, se questionner sur la légitimité de la reproduction de l’objet en peinture et sur les «limites physiques de la représentation».
Ces «œuvres sur papier» peuvent surprendre et certaines cohabitations peuvent parfois paraître osées. Toutefois, il est quelque chose qui les unit, bien au-delà d’une prétendue appartenance au genre artistique qu’est la figuration. Il s’agit de l’intérêt artistique et humain que porte le galeriste Jean Brolly à l’égard des œuvres et des artistes.
Outre ces considérations émotionnelles, la galerie offre la possibilité d’exposer le travail d’artistes d’âges et d’horizons divers œuvrant dans la figuration. Elle permet en outre de mettre en évidence la polymorphie de ce style pictural. Harmonie des formes plutôt qu’uniformisation, la figuration semble encore avoir de beaux jours devant elle, en parallèle d’un art dit «officiel» et conceptuel.
Oeuvres
— Eugène Dodeigne, Sans titre, 1993. Gouache et fusain sur papier, 108 x 75cm.
— Eugène Dodeigne, Sans titre, 1994. Fusain sur papier, 108 x 75cm.
— Eugène Dodeigne, Sans titre, 1994. Fusain sur papier, 108 x 75cm.
— David Scher, Sans titre (Brigde), 2008. Technique mixte sur papier, 95 x 135cm.
— David Scher, Sans titre, 2008. Technique mixte sur papier, 95 x 135cm.
— Bernard Aubertin, 20 monochromes or et leurs collatéraux, 2010. Acrylique sur papier.
— Paul Armand Gette, Quelques effets du volcanisme I, 2009. Collage sur peinture acrylique, 55 x 75cm.
— Paul Armand Gette, Quelques effets du volcanisme II, 2009. Collage sur peinture acrylique, 55 x 75cm.
— Benjamin Swaim, Danemark #8, 2011. Encre de chine sur papier – 3feuilles de 29,7 x 22,3cm chacune.
— Benjamin Swaim, Côte d’Ivoire #2, 2011. Encre de chine sur papier – 3feuilles de 30,7 x 30,5cm chacune.
— Benjamin Swaim, Danemark #4, 2011. Encre de chine sur papier – 4feuilles de 29,7 x 22,3cm chacune.
— Benjamin Swaim, Danemark #7, 2011. Encre de chine sur papier – 2feuilles de 29,7 x 22,3cm chacune.
— Marielle Paul, Paysage avec soleil vert, juin 2012. Gouache sur papier, 56 x 76cm.
— Marielle Paul, Objet, juin 2012. Gouache sur papier, 120 x 80cm.
— Marielle Paul, Soleil, mai 2012. Gouache sur papier, 56 x 76cm.
— Mathieu Cherkit, Sans titre (PG4), 2011. Pastel gras sur papier, 65,5 x 54,7cm.
— Mathieu Cherkit, Sans titre (PG4), 2011. Pastel gras sur papier, 49,5 x 64,5cm.
— Mathieu Cherkit, Sans titre (PG6), 2011. Pastel gras sur papier, 61 x 52,7cm.
— David Tremlett, Drawing for an Unknow Wall #7, 1999. Pastel sur papier, 108 x 150cm.
— Tatjana Doll, Drive In, 2008. Technique mixte sur papier, 29,7 x 21cm.
Publications
— David Tremlett, Architecte de Lumière, Éd. Lieux dits, Lyon, 2011
— Mathieu Cherkit, catalogue d’exposition Musée des Avelines, Saint-Cloud, 2012.
— Pierre Loeb, «Dodeigne, sculptures et dessins», catalogue d’exposition Galerie Pierre, 1961.
— Conversation / Paul-Armand-Gette — Alain Coulanges, in Particules, n°30, novembre 2010.
— Tatjna Doll Enigmatic piktogramm, Kritisches Lexikon der Gegenwartskunst, Munich, 2012.