Kimber Smith est de ces artistes «pour artistes», une figure à la marge telle que les affectionnait Jean Fournier, marchand d’art à Paris de 1956 à 2006. Kimber Smith fut le compagnon de route de Shirley Jaffe ou encore de Sam Francis parmi les artistes américains vivant à Paris durant les années cinquante.
La galerie Jean Fournier sera l’un des lieux incontournables pour la peinture américaine en France où ces artistes se retrouvaient. En 2016, dix ans après la disparition de Jean Fournier, la galerie organise la première exposition personnelle de Kimber Smith à la galerie puisqu’aucune ne sera organisée de son vivant. Les deux hommes se sont effectivement rencontrés en 1958. Jean Fournier était alors directeur de la galerie Kléber, et présentera le travail de Kimber Smith dans des expositions collectives jusque dans les années 1990.
L’exposition présente une vingtaine d’œuvres sur papier réalisées entre 1957 et 1975 qui rendent compte des différentes périodes et étapes de son œuvre graphique et pictural. Il se dégage de ces œuvres un sentiment de liberté formelle et gestuelle, une rapidité d’exécution et de composition.
Kimber Smith utilise un lexique condensé de formes simples comme des losanges, des cercles, des lignes en zigzag, des rectangles disposées sur la feuille avec une apparente simplicité. Il en est de même pour les couleurs, juste sorties du tube de peinture et l’utilisation d’une palette limitée. Cette rapidité, cette efficacité du geste, est parfois accentuée par l’utilisation de techniques «ordinaires», comme le marqueur ou la peinture à la bombe.
L’œuvre de Kimber Smith se singularise par une attention particulière portée à la composition par la combinaison d’éléments aux factures et traitements différents. La signature de l’œuvre «KS» en constitue un élément important. Souvent disproportionnée, réalisée au crayon, elle est parfois placée au milieu du dessin. Elle semble constituer un élément essentiel à la composition, direct et très expressif, mais au statut ambigu: est-ce une signature fonctionnelle? Est- ce un signe formel?
Dans l’œuvre de Kimber Smith, tout est question de fragilité et d’équilibre. Tant influencé par Le Tintoret, Fra Angelico ou Cimabue que par des éléments de son quotidien tels l’un de ses fils jouant au piano ou une cathédrale visitée lors d’un été en Bretagne, ces œuvres témoignent de ce dialogue entre réalité et imaginaire, entre souvenirs et interprétations.