Alex Katz avait habitué le spectateur à sa peinture de visages ou de paysages d’un réalisme teinté d’étrangeté. Pour cette nouvelle exposition, il propose des œuvres sur papier, des dessins réalisés au fusain et à la sanguine, de taille imposante, de tels dessins étant censés être des études préparatoires pour les toiles.
La qualification d’étude ou de maquette ne tient pas très longtemps tant les dessins s’imposent en eux-mêmes comme des œuvres autonomes. En effet, les portraits sont impressionnants: les visages semblent sortir de l’espace du dessin, et cela sans aucun effet, avec quelques coups de crayon.
Les visages s’incarnent sur le papier.
Cela est renforcé par les teintes ocres des papiers utilisés, ces marrons et ces crèmes qui s’accouplent au graphite et aux rouges de la sanguine. D’ailleurs, palette ocre et dessin à main levée ne sont-ils pas les composantes du geste pariétal, geste inaugural de l’art, par lequel l’homme inscrivait sa marque sur le monde?
Oui, c’est bel et bien le geste qui est intéressant ici, un geste omniprésent et qui ne se cache jamais puisque l’artiste fait tout pour le rendre explicite par des contours retravaillés, des rectifications, des coups de crayon qui se superposent. Cela tend à produire une impression visuelle très vivace et à mettre les visages en mouvement.
Sur ces fonds nus et ocres, il y aurait comme un surgissement. Isca, une femme de trois quarts, se tourne légèrement vers le spectateur, avec une simplicité dans les traits et une certaine géométrisation de la chevelure notamment. Mais cette simplification n’enlève rien à l’expression, bien au contraire: la bouche ensanglantée par le fusain fonctionne comme un point scopique qui attire le regard et l’invite à découvrir le nez et les yeux dans un même mouvement. Le visage d’Isca est organique, il se meut et respire.
Ces dessins prouvent que le geste graphique n’a rien de désuet, qu’il a encore, de même que la peinture, un bel avenir devant lui. Ce n’est sans doute pas un hasard si le grand format est privilégié, comme dans les dessins de Pierre Klossowski actuellement exposés au Centre Pompidou. Les dessins de haute taille font face au spectateur et viennent le remettre en cause en s’avançant vers lui, par la force de la ligne et du trait, toujours plus organique et sensuel…
Alex Katz
— Isca, 2001. Charcoal and red chalk on pounced brown paper. 181,6 x 153,7 cm.
— Ada in White Hat, 1979. Pencil, charcoal and red chalk on pounced red paper. 129,5 x 86,4 cm.
— Mr. Todd, 1980. Charcoal and red charcoal on brown paper. 121,9 x 99,1 cm.
— Harbor #10, 1999. Charcoal and red chalk on pounced brown paper. 226,1 x 166,4 cm.
— Zac, 2004. Charcoal and red chalk on pounced white paper. 182,9 x 121,9 cm.