Le Nouveau Réalisme étant un mouvement historique aux membres précisément définis, dans une telle exposition on ne peut pas s’empêcher de compter les absents qui, en l’occurrence, sont : Christo, Yves Klein, Martial Raysse, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely. Mais l’exposition est assez complète et cohérente pour aborder le «Nouveau Réalisme».
Les sculptures d’Arman frappent d’abord, notamment les deux œuvres appartenant à la série sur les instruments de musique: une sculpture composée d’un nombre incalculable de guitares intitulée Allegro con brio (1977), et une autre mettant en scène les débris d’un violoncelle tout simplement planté dans du béton — A chacun son dû (1974).
De l’accumulation folle à la violence d’un violoncelle morcelé, Arman produit des œuvres qui crissent en faisant un bruit assourdissant et gênant tout en abolissant la fonction même de l’instrument de musique qui est de contribuer à l’harmonie.
L’œuvre repose sur la destruction d’une autre œuvre. Il s’agit d’une œuvre plastique violemment anti-bourgeoise produite en détruisant les instruments de cet autre art qu’est la musique.
De la bourgeoisie, Arman ne veut voir que les «déchets», comme dans la sculpture Déchets bourgeois qui mettent en scène des détritus toxiques et polluants dans une cage de plexiglas.
Tout comme Arman utilise des objets manufacturés par l’homme dans ses sculptures, César applique sa fameuse technique de compression : il broie, plie, tord et écrase des objets en fer et en tôle. L’objet industriel devient le matériau de l’art.
Chez Daniel Spoerri également (dont les œuvres les plus connues sont celles où l’artiste, à la fin d’un dîner, décide de geler les restes du repas en les immortalisant en œuvre), propose ici une œuvre au titre allemand : « Der Teufel auf Erden », sorte de boîte à outils faite œuvre.
Enfin, les affichistes sont très bien représentés (à l’exception de Rotella). Les affiches de Villéglé sont particulièrement remarquables puisqu’elles indiquent dans leur titre l’adresse géographique où elles ont été prélevées ainsi que la date. Par exemple, « Rue du Temple, janvier 1973 » donne à lire la peau d’un mur prélevée au temps comme un objet archéologique.
On peut dire que cette exposition présente un certain versant du Nouveau Réalisme puisque les œuvres présentées sont toutes des œuvres instrumentalisant des objets, des objets industrialisés marqués par la marque de l’homme : instrument de musique, objet mécanisé, affiche publicitaire, objets manufacturés… C’est le Nouveau Réalisme de l’objet et du rebut qui est à voir ici.
Publications :
— Catalogue de l’exposition «Le Nouveau Réalisme», Galeries nationales du Grand Palais et au Sprengel Museum de Hanovre, 2007.
— La galerie prépare à l’occasion du cinquantenaire du Nouveau Réalisme en 2010 un important ouvrage sous la direction de Catherine Francblin.
Arman
— Allegro con brio, 1977. Accumulation (guitares). 195 x 160 x 145 cm
— À chacun son dû, 1974. Inclusion violoncelle dans béton. 144 x 103 x 14 cm
— Déchets bourgeois,1959. Technique mixte. 58 x 40 x 8 cm
César
— Relief, 1962. Fer soudé, tôles peintes. 200 x 220 x 67 cm
Gérard Deschamps
— Trademark, 1963. Chiffons japonais sur châssis. 269 x 98 cm
François Dufrêne
— Dessous d’affiches, 1960. Arrachage d’affiches. 168,5 x 130 x 3 cm
Raymond Hains
— Saffa, 1971. Bois peint. 158,5 x 199 x 20 cm
— Sans Titre (Série Dauphin), 1990. Affiches lacérées sur tôle. 400 x 300cm
Daniel Spoerri
— Der Teufel auf Erden, 1962. Technique mixte. 115 x 140 x 25 cm
Jacques Villeglé
— Boulevard Saint-Germain, 24 février 1969. Affiches lacerées marouflées sur toile. 110 x 290 cm
— Rue du Temple, Janvier 1973. Affiches lacérées marouflées sur toile. 130 x 162 cm