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OEuvres inédites: collages et photomontages

Pierre Molinier vénère le sexe. Ses dérives et ses déviances surtout. Tel un marionnettiste, ou un démiurge cynique, il met en scène ses personnages mi-hommes mi-poupées, et multiplie les accessoires. Il déguise, photographie, découpe, recolle, ré-assemble, encadre. Il crée son univers intime de personnages aux sexes offerts, aux bras et aux jambes démultipliés, jouant, se contorsionnant pour mieux évoquer les multiples de la jouissance.
Pierre Molinier esthétise la confusion des genres, les pratiques fétichistes tabous. Ses œuvres sont présentées encadrées, tels des joyaux précieux issus de cabinets de curiosités ou sortis tout droit du conte de fées d’un poète déviant.

Ici s’expose les collages originaux, préparatoires ou définitifs, (parfois) inédits, l’avant photomontage en quelque sorte, ce que l’on nomme parfois la pré-œuvre. Ces collages sont présentés comme œuvres. Ils révèlent un autre aspect du travail de Pierre Molinier: ses recherches esthétiques d’assemblage de formes ou d’effets, avec la série des jambes (Collages préparatoires inédits n°1, 2 et 3, pour le photomontage Introït), ou encore la série d’autoportraits tirés en négatifs (Autoportrait au fouet, Autoportrait de dos avec la poupée…).

Si l’exposition semble dévoiler la genèse de l’œuvre en retraçant les différentes étapes de création, de la mise en scène avec les accessoires dans l’appartement du photographe (avec la «Period Room» et la vitrine), aux séries de collages, elle offre une nouvelle vision des photomontages de Pierre Molinier par la présentation de ces collages mêmes.
La technique du collage permet une perte de la planéité propre à la planche photo, une mise en volume qui rend les œuvres plus sensuelles, par le jeu de strates photographiques juxtaposées les unes aux autres, une création un peu scandaleuse et magique.
On se laisse bluffer par le très pornographique Collage original définitif de «Autel de la Patrie», ou l’effet pieuvre du Collage original définitif de «Méditation Vampirique».

La crypte de la galerie (dite «Tube, espace expérimental») présente des travaux inédits du photographe, une série d’épreuves de travail qui emmènent le visiteur jusque dans l’atelier et l’intimité même de l’artiste. La «Period Room», habituellement utilisée dans le contexte muséal, dans un souci anthropologique de «l’homme, sa vie, son œuvre», est ici déplacée dans la galerie d’art contemporain.
L’intérêt pour l’œuvre, d’un point de vue critique, se déplace de l’objet fini — l’objet d’art en soi — au processus même de création. Ce qui importe alors, c’est l’univers de l’artiste. Celui du «chaman Molinier» est éclectique ; il rassemble les instruments du peintre (chevalet, boîtes de tubes à l’huile…), du photographe, et du fétichiste : un mannequin à porte-jarretelles, un masque de femme, des godemichés en tissus, tous objets et meubles provenant de l’appartement bordelais de Pierre Molinier.

Avec Pierre Molinier, c’est un univers personnel et historique qui est exposé à la galerie Kamel Mennour, une exposition de l’intime et du tabou, celui d’une sexualité fétichisée, avec un retour presque historié dans l’esthétique de la première partie du XXe siècle. L’imaginaire du «génie» Molinier étonne et conquiert le visiteur.

Liste des œuvres (non exhaustive) :
— Pierre Molinier, Collage original définitif de «Autel de la Patrie», planche 20 du «Chaman et ses créatures». Collage et photographies noir & blanc, 11.5 x 13.5 cm.
— Pierre Molinier, Collage préparatoire inédit (n°1) pour le photomontage «Introït», planche 2 du «Chaman et ses créatures». Collage, photographies noir & blanc, 12.5 x 10cm.
— Pierre Molinier, Collage préparatoire inédit (n°3) pour le photomontage «Introït», planche 2 du «Chaman et ses créatures», titré au dos par Molinier «Qui jouit». Collage, photographies noir & blanc, 12 x 17.5 cm.
— Pierre Molinier, Autoportrait au fouet, tirage négatif, traces d’estompage au dos. Tirage argentique noir & blanc, 23.5 x 17.5 cm.
— Pierre Molinier, Collage original définitif de «Méditation Vampirique», planche 41 du «Chaman et ses créatures». Collage et photographies noir & blanc, 23.5 x 17.5.
Divers objets :
— Pierre Molinier, Hommage à Marguerite, 1963. Cadre ovale double face, composition de fleurs artificielles, photo de la poupée, collages de fragments découpés dans la Préface d’André Breton, coulées de cire et dédicace à l’encre : Pour Madame Marguerite Cazaubon en hommage, et toute l’admiration éblouie de P.M. – Vous-même, n’êtes-vous pas une œuvre d’art qui bouge, qui sourit ? Vous êtes la vie.
— Pierre Molinier, Une chambre avec objectif Copal rapporté, une boîte photographique «Lumière», des lunettes, des martinets et fouets de fustigation, des godemichés faits main et souvent sur mesure…
— Pierre Molinier, Grande Poupée, sculpture-modelage, plâtre enduit et peint couleur chair, troncs et jambes à mi-cuisses 84 cm, tête 28 cm.

Publications :
— Jean-Luc Mercié, Pierre Molinier, co-éd. Kamel Mennour, Les Presses du Réel, Paris, 2010.
— Jean-Luc Mercié, Pierre Molinier, je suis né homme-putain (écrits et dessins présentés par), éditions Biro, Paris, 2005.
— Jacques Abeille, Pierre Molinier : présence de l’exil, Pleine Page, 2005
— Jean-Luc Mercié, Pierre Molinier photographe, une rétrospective (catalogue d’exposition), édition Galerie Kamel Mennour, Paris, 2000.

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