«Œuvres encombrantes» est une exposition de Noël, une exposition qui se veut un «bric-à -brac», un grand «déstockage», comme l’affirme son commissaire Jean-Max Colard. Pour cela, la galerie Vallois est allée puiser dans ses réserves afin de présenter un échantillon des œuvres qu’elle possède et des artistes qu’elle représente.
A ce titre, en entrant dans la galerie, on se trouve nez à nez (l’expression est loin d’être exagérée !) avec une grande sculpture de Bertrand Lavier, un mur de plus de deux mètres de haut barrant le passage, fait de boîtes de rangement en carton recouvertes d’épaisses couches de peinture. A partir de là , rien ne peut plus vraiment étonner le spectateur : une baignoire jacuzzi-carton de déménagement intitulée Jude Law de Mike Bouchet, ou encore les chaussures de Julien Bismuth qui sont comme prises dans une matière qui les a figées…
Dans la grande salle, la folie de l’encombrement prend, s’il on peut dire, toute la place. Alain Bublex propose une sorte de voiture aérodynamique jaune, ce qu’il appelle sa Tuning car.
Martin Kersels est l’auteur de Fat Man, une énorme forme arrondie déposée sur le sol et recouverte de petits miroirs. Progressivement, le sens de l’exposition s’impose dans la mise à proximité des œuvres et des artistes. Une filiation se crée du Nouveau Réalisme aux artistes de la jeune scène française. En effet, les œuvres de Raymond Hains, Arman, Jacques Villéglé et Jean-Pierre Raynaud éclairent celles de Gilles Barbier et Alain Bublex. C’est la notion même d’encombrement qui impose la filiation : l’encombrement est un geste quasi révolutionnaire de création — ou de destruction— des formes.
Ainsi, si le Sens interdit barré de Jean-Pierre Raynaud semble dire qu’il est interdit d’interdire dans une perspective très Mai 68, le tag de Thomas Lélu demande C’est tout ?. C’est tout ? A quoi fait appel cette question lancée dans le vide ? Assurément, Lélu interroge le geste artistique lui-même en questionnant la place du langage dans l’art.
De même, l’œuvre de Gilles Barbier intitulée L’Enfer demande un effort de participation au spectateur puisqu’elle consiste en une installation dans un placard, un placard ménager bordélique où s’accumulent les outils de ménage, les sceaux de peintures et autres panneaux électriques.
Pourquoi cette installation est-elle infernale ? Parce que Gilles Barbier accompagne son œuvre d’une sorte de mode d’emploi à l’usage du spectateur dans lequel on peut lire des sentences de ce genre: «Faîtes fonctionner les fonctions hallucinogènes de votre cerveau et entrevoyez ici quelques scènes de tortures insoutenables», par exemple.
Imaginer donc, halluciner l’encombrement comme une puissance démoniaque. C’est Tout ? C’est déjà beaucoup.
Enfin, le parcours se termine dans la Project room — salle plus petite et plus confinée où l’encombrement étouffe —, sorte d’hôpital de l’exposition où Peter Land propose Untitled (Man in Bed), un monstre humain en pyjama dont les bras et les jambes immenses dépassent du lit aux barreaux de fer, un être dont les membres ne peuvent plus se contenter d’un espace restreint. Telle serait peut-être la clé de l’idée d’encombrement : ne pas se limiter, refuser le raisonnable et sans doute briser les tiroirs du cerveau comme a pu le prôner Tristan Tzara.
Bertrand Lavier
— Fast, 1982. Peinture sur carton.109 x 215 x 70 cm
François Morellet
— Tableau 100° – 10, 1979-2007. Acrylique sur toile. 100 x 100 cm
Mike Bouchet
— Jacuzzi (Jude Law), 2005. Technique mixte. 145 x 105 x 165 cm
Keith Tyson
— Trajectory Painting – An afternoon in Blackpool, 2006. Métal, peinture. 223 x 190 x 43 cm
Julien Bismuth
— »…so I looked down at my feet and changed my mind », 2007. Chaussures de l’artiste, sulfate de magnésium. Dimensions variables
Mike Bouchet
— Cola Paintings, 2007. Cola sur tissu tendu sur toile. 123 x 180 cm
Boris Achour
— Contrôle, 1997. Porcelaine sanitaire émaillée 4 éléments.
Peter Land
— Untitled (Man in Bed), 2003. Technique mixte. 132 x 263 x 181 cm
Matthew Antezzo
— Map of the world, 1990. Feutre indélébile sur toile. 111,5 x 152,5 cm
Jean-Pierre Raynaud
— Psycho-Objet 27 A6 1966, 1966. Assemblage : technique mixte. 160 x 60 x 165 cm
Boris Achour
— Conatus (Une Égale Liberté), 2006. Technique mixte. 233 x 170 x 170 cm
Alain Bublex
— Aérofiat 4.1, 2002. FIAT 126 et technique mixte. 135 x 460 x 210 cm
Martin Kersels
— Fat Man, 2002. Technique mixte. 300 x 200 x 115 cm
Olav Westphalen
— Posing with Dead Thing, 2006. Acrylique sur papier. 119,5 x 175,5 cm
Arman
— Colère de télévision, 1976. Télévision cassée dans boîte de plexiglas. 62 x 80 x 50 cm
Thomas Lélu
— C’est tout?, 2006. Panneau de bois laqué bombé. 195 x 130 cm
Gilles Barbier
— L’enfer, 2002. Technique mixte. Dimensions variables
Gilles Barbier
— Sans titre (Fusion froide), (fusion tiède) et (fusion chaude), 2006. Technique mixte sur papier, 12 éléments. chacun 112 x 105,2 cm
Jean-Pierre Raynaud
— Sens interdit barré, 1970. Assemblage. 110 x 50 x 10 cm
Mike Bouchet
— Poster Paintings, 2006-2007. Huile sur toile. 200 x 140 cm
Keith Tyson
— Asleep, Afloat, aloft, 2003. Technique mixte. 185 x 65 x 40 cm
Joachim Mogarra
— La petite promenade marseillaise, 2007. Photographie noir et blanc, réhauts de gouache. 30 x 40 cm
Saverio Lucariello
— Spécial amateurs, 2003. Peinture sur tissu. 34,5 x 54 cm
Raymond Hains
— Seita, 1970. Bois peint. 93 x 80 x 47 cm
Arnold Odermatt
— Sans titre, 1959-1969. Photographie noir et blanc. 30 x 40 cm
Jacques Villeglé
— Rue Pierre Lescot 3 mai 1981. Affiches lacérées marouflées sur toile. 224 x 160 cm
Julia Wachtel
— Scarlet Lips, 1992. Encre et huile sur toile. 95 x 64 cm
Gilles Barbier
— K.Dick avec un spaghetti sur la tête, 2000. Technique mixte sur papier. 29 x 20,7 cm
Arman Cachet
— Empreintes de tampons, 1956. Encre. 30,5 x 23 cm
Julien Berthier
— Elegant Third World, 2003-2004. Métal. 112 x 195 x 30 cm
Saverio Lucariello
— Micropâlepolitique, 2003. Installation vidéo. 130 x 120 x 70 cm
Olav Westphalen
— Untitled (Vase with Riffle), 2004. Technique mixte. 61 x 91,5 x 97 cm
Julien Berthier
— Il n’y a pas de hasard, 2005. Photographie couleur. 40 x 50 cm.