La majorité des soixante-douze pièces qui composent le parcours de l’exposition Objets d’exception aurait pu figurer à la sélection de la précédente édition. Une pièce au moins date de l’an 2000, une quinzaine ont vu le jour avant 2008. Rien d’infamant à cela mais un peu surprenant pour une exposition qui semble vouloir devenir un rendez-vous annuel…
L’objectif semble moins être de présenter les dernières nouveautés que de montrer la richesse, la vitalité et la diversité des métiers d’art. Cette diversité s’entendant à la fois du point de vue des savoir-faire (on en compte une vingtaine, de l’ébéniste au plisseur, du sculpteur sur bois au souffleur-verrier) que de leurs applications : l’univers du meuble bien sûr, mais aussi celui de la mode, de la sculpture ou encore de la création d’instruments de musique.
C’est d’ailleurs une guitare qui accueille le visiteur sur le seuil de l’exposition : la Flying Snake, conçue et réalisée par le maître d’art Georges Alloro. Au-delà de son allure insolite (en forme de serpent, d’où son nom), cet instrument composé d’une structure en alliage aéronautique est le fruit d’une véritable réflexion d’ordre ergonomique.
A quelques pas de là , deux autres créations s’inscrivent elles aussi dans une démarche d’innovation. Il y a d’abord la coupe Phantom, imaginée par Odile Decq et réalisée par le Craft-Limoges. Cette micro-architecture aux formes organiques, uniformément noire mais jouant du contraste entre le mat et le brillant, est la transposition à petite échelle de la mezzanine conçue par l’architecte pour le restaurant de l’Opéra Garnier. Juste à côté se trouvent les pièces de la collection Marbre Poids Plume, conçues par les quatre designers d’Ymer & Malta : Cédric Ragot, Benjamin Graindorge, Normal Studio et A+A Cooren. L’idée de départ, brillamment mise en œuvre, était de concevoir des objets en marbre les plus légers possible. Pour chacun d’eux, le travail manuel est venu en complément de l’outil numérique. Une complémentarité qui semble esquisser un nouveau mode de coopération entre design et métiers d’arts, ouvrant la voie à de riches expérimentations…
Hélas, l’exposition ne parvient pas à maintenir la dimension innovante de cette entrée en matière. Très vite, celle-ci s’éclipse devant ce qui semble être un hommage nostalgique aux riches heures des arts décoratifs français : dorure à la feuille, placages précieux, laquage, vernissage au tampon… autant de techniques traditionnelles au service d’un vocabulaire de formes dont on peine à voir la nouveauté. Le temps de réalisation (forcément impressionnant) est précisé sur le cartel à côté de chaque pièce, comme pour achever de nous convaincre de leur valeur. Cette valeur est le seul fil rouge de l’exposition: tout ce qui est présenté ici est très élitiste et très cher, et le mot «exception» du titre ne s’entend que comme synonyme de luxe, qui lui-même nous est présenté comme une définition de l’«esprit français». L’audace, la prise de risque, l’expérimentation sont reléguées au rang de qualités secondaires, en tout cas optionnelles.
Pourtant, le parcours réserve encore quelques bonnes surprises : les Bombes pleines d’humour de l’Atelier Polyhèdre, qui dynamitent toutes les idées associées à la faïence fine, le lustre Perle de pluie de Tzuri Gueta, en soie injectée de silicone, ou encore l’étonnant luminaire-tapis PAD de Bina Baitel. Le questionnement que semblent initier ces objets d’un nouveau type, notamment sur la définition contemporaine de l’élégance et du raffinement, est aussitôt abandonné au profit d’un éclectisme sans parti pris. Comme c’est souvent le cas au VIA, l’exposition s’apparente finalement à un showroom où il en faut pour tous les goûts.
Il est par conséquent difficile de ne pas se frotter les yeux en lisant cette phrase de Jean-Michel Delisle, Président de l’Institut national des métiers d’art, dans le catalogue de l’exposition : «Il s’agit (…) bien plus d’un manifeste que d’une exposition»… Si c’était l’intention, c’est manifestement raté.