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Objects Of A Revolution

PSarah Ihler-Meyer
@02 Fév 2009



Originaires du Zimbabwe, de Cuba ou encore des Etats-Unis, chacun des artistes d’«Objects Of a Revolution» apporte une vision possible de l’Afrique. Amères, critiques ou optimistes, ces différents regards composent une fresque aux contours mouvants.




Pour la critique, Dan Halter est le plus mordant des artistes présentés. Avec Space of Aids II — une carte du Zimbabwe tressée avec un annuaire téléphonique —, il stigmatise le colonialisme et les ruines qu’il laisse sur son passage. Ancienne colonie anglaise, les rues du Zimbabwe portent des noms britanniques. De telle sorte que son territoire, ici tissé avec les pages d’un bottin, est entièrement marqué par la puissance étrangère: de bas en haut et de droite à gauche, aucune zone n’échappe à cette domination. Un as de pic est cousu à la surface de ce tressage. Symbole du sida, il recouvre l’ensemble de la carte, comme pour signifier les ravages qui suivirent la décolonisation.

 

Plus ironique, Communion de Trokon Nagbe prend pour cibles les représentations que l’Occident se forge de l’Autre. Dans cette peinture, un énorme serpent est attaqué et dévoré par des individus d’époques et de lieux divers. Des mayas, des papous, mais aussi des arabes s’attroupent autour du serpent pour le tuer, ou en aspirer le sang. Volontairement grotesque, cette image renvoie chaque spectateur à ses propres clichés.

 

Un ton plus optimiste caractérise les photos de Jackie Nickerson (Chipo, Farm Worker, Zimbabwe, ou Jennifer, Farm Worker, Nyabira, Zimbabwe). De dos ou de face, deux zimbabwéennes posent pour l’artiste sur fond de champs de thé. Vêtues de frusques usées et décolorées, ces femmes ont malgré tout une beauté et une dignité saisissantes.

Le vert et le blanc cassé des plantes se marient parfaitement avec le violet et le bleu des vêtements, pour former un tout harmonieux. Transformer la misère en objet de délectation est l’un des pouvoirs de la photographie. Susan Sontag la qualifiait — à tort ou à raison — d’amorale.

 

Dans le même esprit, Nnenna Okore présente Fibre et Rope Entangled. Entremêlement de cordes et de papiers journaux, chacune de ces pièces possède des couleurs et des courbes à la grâce indéniable. En d’autres termes, à partir d’éléments pauvres Nnenna Okore façonne des objets de contemplation. Une manière d’évoquer la créativité propre aux plus démunis.

 

Avec Ideas Masticadas, Glenda Leon témoigne elle aussi d’un regard optimiste. Un polluant – le chewing-gum -, est le matériau de cette Å“uvre axée sur la nature. Un arbre, un ciel, ou encore une carte du monde, sont constitués de pâte à mâcher, ce petit morceau de pétrole à portée de toutes les bouches. La Terre sera-t-elle sauvée d’une catastrophe écologique ? C’est du moins ce que tend à penser Glenda Leon.




Dan Halter

— Space of Aids II, 2007. Carte agricole du Zimbabwe tressée avec un annuaire téléphonique découpé, fil noir. 82 x 89 cm.

 

Glenda Leon

— Ideas Masticadas, Nubes Masticadas, 2007. Chewing-gum sur photographie. 26 x 36,5 cm.

— Ideas Masticadas, Arbol Masticado, 2007. Chewing-gum sur papier. 18 x 25 cm.

— Ideas Masticadas, Masticado, 2008. Chewing-gum sur papier photographique. 12 x 17 cm.

 

Trokon Nagbe

— Communion, 2009. Techniques mixtes sur papier. 122 x 244 cm.

 

Jackie Nickerson

— Chipo, Farm Worker, Zimbabwe, 1997. Tirage lambda. 155 x 124 cm.

— Jennifer, Farm Worker, Nyabira, Zimbabwe, 1997. Tirage lambda. 155 x 124 cm.

 

Nnenna Okore

— Rope Entangled, 2008. Papier et cordes en manilles. 152 x 182,9 x 30,5 cm.

— Fibre, 2008. Papier. 12 x 134,6 x 25,4 cm.


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