Anita Molinéro sculpte. Dans le sens le plus strict du verbe: agir sur un bloc, une matière par retrait, découpe, modélisation. En faire une forme puis donner à voir cette forme dans l’espace. C’est ici à l’intérieur de cette pratique, nourrie de sa tradition et son histoire que se fait l’œuvre.
Car la sculpture est ici pratiquée comme un manifeste. «J’ai toujours pensé que je faisais l’art de mon nom et que mon désir était contenu dans le nom de mon objet: “sculpture”», déclare l’artiste.
«Si l’art du plaisir est la peinture, précise-t-elle encore, la sculpture s’affronte à un réel récalcitrant qui doit céder à tout prix… Je tourne autour, j’attaque, je ne peux pas revenir en arrière». Ou comment la sculpture est d’abord un moment, un combat entre l’artiste et la matière…
Les cinq pièces présentées chez Alain Gutharc ont chacune pour point de départ un objet urbain facilement identifiable — poubelle, citerne, blocs de chantier, tôles en plastique, etc. —, auquel sont associées les notions de pauvreté, de banal, de décharge.
Le travail artistique va alors consister à entraîner ces rebuts dans un «devenir sculpture», à en extraire les forces qui se dégagent de leur brutalité, qui bouent sous leur neutralité fonctionnelle.
Ces objets, une fois fondus, éviscérés et regonflés apparaissent dans une position de force, capables d’affronter la froide neutralité de l’espace d’une galerie, de prendre le pas sur les grilles qui les contraignent, d’exister enfin face à une «sculpture d’en haut» faite de matériaux riches. On obtient une œuvre monstrueuse, ignoble, corrosive, mais violemment jouissive, magnifiquement dionysiaque.
L’œuvre est logorrhéique, contingente. Rien n’est figé, elle se fait en flux tendu. Aucune hiérarchie des formes ou des matériaux. Au travers des images que l’on peut projeter en elle, elle affirme un désir, elle produit un langage. Mais un langage qui ne se pérennise jamais, n’a pas d’autre but à atteindre que celui de se renouveler, sans cesse dans la métamorphose, toujours «au milieu de».
Une exposition d’Anita Molinéro ne se visite pas, elle se pénètre. En prenant du recul, on manquerait ce qui fait la singularité de l’expérience sculpturale. Dans cette logique du monstrueux et du socle mouvant, rien ne peut se nommer, se cartelliser. Cela refroidirait tout, stopperait le mouvement chaotique dans lequel se trouvent pris la sculpture et avec elle le spectateur.
Pour rendre compte de l’expérience, il faut peut-être inventer des termes comme le titre de l’exposition, Nucléo, dérivant de «nucléon» (la partie du noyau atomique) amputé de son N final. Cela sonne comme Légo, Duplo, et tous ces jeux de constructions plastiques, mais cela suscite la peur et la suspicion, liées au caractère hautement toxique du plastique brulé.
Le travail d’Anita Molinéro est apparu dans sillage de la catastrophe de Tchernobyl et de ses effets dans l’imaginaire collectif: l’apocalypse atomique, les mutations génétiques, le fameux nuage… La contemporanéité des fantasmes collectifs.
Anita Molinero
— Handy, 2007. Techniques mixtes. 105 x 140 x 100 cm. Pièce unique. AG 2311.
— Sodirâle, 2007. Techniques mixtes. 130 x 100 x 90 cm. Pièce unique. AG 2313.
— Exciterne, 2007. Techniques mixtes. 170 x 150 x 140 cm. Pièce unique. AG 2312.
— Sans titre, 2003. Techniques mixtes. 86 x 58 x 100 cm. Pièce unique. AG 2315.
— Ondulox, 2007. Techniques mixtes. 260 x 130 x 140 cm. Pièce unique. AG 2314.