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Nowhere Man

Sans remonter jusqu’à Thomas A. Edison, William Ramsay, Morris Travers, Georges Claude ou Loie Fuller, qui imagina pour l’Exposition universelle de 1900 un palais de l’Électricité, on rappellera que Laszlo Moholy-Nagy, lorsqu’il conçut ses modulateurs lumineux dans les années vingt, pensait qu’un jour la lumière remplacerait le pigment. On en est encore loin. La peinture n’a pas été laissée en pâture au Louvre des antiquaires et a résisté à toutes les innovations techniques.

L’art du néon, tantôt appliqué, tantôt pur et dur («conceptuel», même: c’est ainsi qu’on nous présente celui de Navarro) a, soit dit en passant, donné naissance à un petit musée américain, le MoNa (Museum of Neon Art), créé en 1981 à Los Angeles, qui traite aussi bien des enseignes lumineuses ornant les façades de bâtiments californiens célèbres (le Los Angeles Theater, l’hôtel Plaza, le Broadway Hollywood Hotel, etc.) que d’art plus contemporain (celui de Stephen Antonakos, Dale Chihuly, Jim Jenkins, Craig Kraft, etc.).

On ne peut parler de sculpture luminescente sans évoquer la figure du pionnier en matière d’immatériel, Dan Flavin qui, comme on sait, se consacra entièrement à ce médium à partir de 1963. L’œuvre de Flavin, qui avait failli devenir prêtre, pourrait d’ailleurs être qualifiée de cistercienne.

La série que Iván Navarro présente à la galerie Templon relève du minimalisme. Elle s’inspire, amplifie en les magnifiant les merveilleux pictogrammes illustrant les disciplines sportives imaginés par l’allemand Otl Acher pour les funestes J.O. de Munich de 1972.
Le graphisme, réduit à un jeu d’allumettes avec des cercles représentant des têtes et des ballons, fait un peu songer au dessin schématique symbolisant le personnage du Saint dans le générique du feuilleton télévisuel anglais des années soixante.

On est épaté par la justesse des proportions des sculptures lumineuses de Iván Navarro. L’artiste s’est aussi, paraît-il, référé au modulor de Léonard (aujourd’hui tout de même selon nous quelque peu dépassé par la taille moyenne des individus!).
Chaque pièce est à la bonne échelle. Afin que le visiteur puisse pleinement apprécier le travail de l’artiste, les salles ont toutes été tamisées (on a coupé les néons et les spots éclairant habituellement la galerie). L’observateur a besoin par ailleurs, pour accommoder comme il faut et déchiffrer les petits rébus qui lui sont proposés, d’un minimum de recul.

Iván Navarro prouve qu’on peut faire de l’art avec des idées toutes simples. L’art, contemporain ou pas, n’est pas donc nécessairement énigmatique. Il peut se présenter avec l’évidence du jeu d’enfant.

Ivan Navarro
Nowhere Man, 2009. Néons, fixations en métal et électricité. Dimensions variables.

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