David Ancelin
Now Here
En 2007, David Ancelin participe à la première édition de «Supervues» à l’hôtel Burrhus. Cette manifestation le temps d’un weekend (le second de décembre) propose les chambres de l’hôtel à des artistes qui y présentent leur travail et y séjournent. Présenté alors par la Station (Nice), il répond cette fois-ci à la proposition d’y exposer durant 3 mois.
L’exposition «Now Here» présente une trentaine de pièces: dessins, peintures, sérigraphies, sculptures et une vidéo. Certaines pièces ont été produites spécifiquement pour le lieu proposant un ensemble polymorphe jouant des particularités du lieu de monstration, une salle de restaurant et un patio d’hôtel à Vaison-La-Romaine.
En effet, David Ancelin, depuis ses débuts, explore régulièrement à travers son travail de plasticien, les potentiels d’espaces en dehors du champ conventionnel du traditionnel «white cube».
David Ancelin joue des associations d’idées qui naissent entre les objets, les situations, les chronologies, chez qui sait porter un regard poétique sur les choses.
«L’histoire de la sérigraphie est déjà longue et David Ancelin s’inscrit précisément dans cet héritage warholien à la différence près que ses images ne proviennent nullement des média de la presse écrite ou de la publicité. Il utilise son appareil photographique pour obtenir une image qui lui servira ensuite de modèle dans tout un processus de passage à la sérigraphie. A l’instar de la série de dessins By Night inaugurée en 2009, David Ancelin privilégie l’écart entre la photographie dont le médium est indiciel et son rendu approximatif par la technique picturale. La photographie enregistre un continuum de réalité tandis qu’une sérigraphie est le résultat d’un processus de transcription mentale.
Bien que ses photographies aient une parenté formelle avec ses dessins, on peut affirmer qu’il construit une image fictionnelle dans la mesure où le dessin reprend à la photographie ses lignes, ses tons et ses forces tout en abandonnant sa dimension de citation de la réalité. Les décors urbains désertés apparaissent comme des paysages mélancoliques, au pire abandonnés après un drame. L’atmosphère de série noire créée par David Ancelin est le fruit du passage entre son univers photographique qui constate un point de vue et une réalité, et le dessin qui se souvient et qui par le souvenir construit une réalité fictionnelle.
La sérigraphie de David Ancelin fait également le choix de support étonnant comme le miroir ou l’acier afin d’optimiser la frontière déjà floue entre photographie et peinture. Cette technique a le mérite de conforter le sentiment d’inquiétante étrangeté théorisé par Freud dès 1919 et qui donne à l’image indicielle un pouvoir déstabilisant sur la psyché. L’absence de tout contexte dans la série Smog (2010-2013) et la solitude de l’image sont propices à tous les fantasmes les plus inavouables. Avion dans un ciel nuageux, bateau perdu au milieu de l’océan, barque abandonnée, vague survenue de nul part, autant d’images du vide et de l’absence d’un monde qui semble s’être retiré.
La récente série Short Cuts (2013) — sérigraphie sur bois laqué — se présente au contraire comme autant d’atmosphères et de lieux divers. Le traitement que l’artiste apporte à l’image initiale laisse encore une fois la place à toutes les interprétations possibles. Sol mouillé après la pluie ou relecture contemporaine et urbaine des Nymphéas de Monet conservées à l’Orangerie; ondulation d’un motif bleu et blanc évoquant aussi bien un sac plastique abandonné qu’une mer agitée; reflet dans l’eau qui fait autant écho à l’histoire de la peinture impressionniste que celle de la photographie contemporaine et notamment Thomas Struth. Toutes les fictions possibles peuvent être envisagées. À l’exemple de l’écrivain, qui nourrit sa narration à partir d’éléments de la réalité, David Ancelin crée des récits potentiels à partir d’images bien réelles.
À travers la diversité des supports, il se distingue également des peintres pop et plus contemporains tels que Rebecca Howe Quaytman, Christopher Wool ou encore Wade Guyton — qui le plus souvent transfèrent l’image sur toile. Car le recours à la sérigraphie n’est pas envisagé comme une toile de fond, un support, une image mécanique sur laquelle l’artiste interviendra ensuite avec la spontanéité, la liberté et/ou la précision de la main. La sérigraphie ou plus communément, l’impression est envisagée par l’artiste comme un médium à part entière, dont il explore les possibles et les limites.»