Au centre de la galerie, en écho à la charpente de sa verrière, se dresse la sculpture de Bernhard Walter. Une maquette 3-D de montagne qui se révèle être une composition enchevêtrant différentes images et univers. Les tiges d’acier qui en forment l’ossature conique renvoient au monde du bâtiment (les armatures de béton) alors que la fine couche de peinture bleue pâle qui les recouvre leur donne une véritable légèreté. Leur ordonnancement rythmé découpe le champ de vision comme le ferait une danse de marionnettes. Les plaques de céramiques qui en forment les écailles évoque une tente, un igloo de Mario Merz ou une sculpture d’Arte Povera. Ces rebonds entre références historiques et univers imaginaires qui occupent l’esprit du spectateur n’empêchent pas le regard de circuler au travers de l’œuvre. En équilibre précaire entre force et fragilité, elle dégage néanmoins une certaine préciosité ou timidité.
On pourrait dire la même chose de l’assemblage de trois fines branches de bois de Gabriel Vormstein. A cette image d’un rite ancestral et sacré, il ajoute des plumes et adhésifs colorés, discrètement placés. Ce geste ironique et discret, cette façon de créer des croisements stylistiques (jadis) incongrus semble vouloir passer aussi pour une oeuvre moderne. Sa présentation est en effet très sobre, zen, et très correcte.
Intégrant également des éléments trouvés dans le paysage, Leibchen de Rolf Graf est la pièce la plus touchante et singulière de l’exposition. Un petit maillot de corps blanc tendu sur une branche de bois verticale devient ainsi le socle d’un corps fantôme. Des images d’oiseaux sont imprimées à l’intérieur du vêtement. Ce squelette chantant et silencieux compresse des images d’un corps d’enfant, d’une promenade dans le paysage tout en ayant l’air d’une stèle funéraire de fortune.
Michael Schultze, quant à lui, encadre des petites photographies noir et blanc anciennes (du début du XXe siècle?), dessine autour et dessus et y rajoute une légende (ici des extraits de Die Schwärmer/Les Exaltés de Robert Musil, pièce de théâtre de 1921).
Ses interventions sont des façons de prendre une distance avec l’image et de renvoyer au moment de la prise de vue et à son contexte. On sent là un travail précis et concentré, humble mais profond.
De façon assez proche mais plus ludique, Claudia Wieser, remet en scène des cartes postales ou gravures noir et blanc. Comme elle le fait pour ses installations architecturales (visibles ici en documentation), elle redécoupe l’espace du paysage, cette fois-ci par la mine de plomb et l’aquarelle à la manière d’un architecte moderniste et démiurge qui rêve de grands projets (des barrages ou des fortifications en montagnes) en contemplant des paysages traditionnels.
Malgré les quelques réserves qu’on peut émettre, cette exposition est tout à fait réussie. On pourra rassembler les oeuvres sous l’angle commun de gestes d’infiltration (Graf, Schultze et Wieser) pour renvoyer au titre de l’exposition et de gestes d’enveloppement (Walter et Wormstein). Infiltration par les gestes et les formes dans des objets ou des images pré-existantes. Enveloppement autour de structures qui restent poreuses à leur environnement.
Si la figure des montagnes fait de l’exposition un paysage-décor agréable à arpenter elle se double aussi d’un autre paysage, historique et stylistique, avec lequel tous les artistes présents (et en dépit des différences générationnelles) dialoguent.
On sent un fort rapport de filiation, plutôt fluide et direct, avec des gestes et représentations de la modernité (collage, assemblages, surréalistes ou dada, le goût pour la construction).
Bernhard Walter
— Der Berg bewegt sich nicht, 2006. Céramique, métal.
Claudia Wieser
— Sans titre, 2006. Dessin sur gravure.
— Königssee, 2005. Dessin sur gravure.
Gabriel Vormstein
— Iz-uZ, 2002. Bois, adhésifs, peinture, métal.
Michael Schultze
— Sliding Doors to the Sublime, 2006. Collage.
— Das muss sein wie Kopfsprung, 2006. Collage.
— Jeder Mensch, 2006. Collage.
— Ach Du, 2006. Collage.
— Anselm, 2006. Collage.
— Sans titre, 2006.
— Maybe There Was Never A Beginning, 2006. Collages.
Rolf Graf
— Leibchen, 2005. Impression sur tissu, branche, polystyrène.