Rolf Graf, Michael Schultze, Gabriel Vormstein, Bernhard Walter, Claudia Wieser…
Nous tous sommes la pluie
Les sculptures, dessins et collages ici présentés sont autant de variations sur le paysage et le rapport de l’homme et la nature. Qu’il s’agisse de changement d’échelle ou de fétichisation, d’allégorie ou d’humanisation, les travaux opèrent une représentation de la nature qui tient toujours d’une réappropriation, sous une forme abstraite ou figurative, presque indifféremment.
Ainsi les sculptures de Rolf Graf et Gabriel Vormstein, chacune à sa manière, matérialisent cette rencontre au travers de branches qui gardent en elles la trace d’un vécu, et se font l’ersatz de mécanismes culturels. Associant l’usage ancestral et archaïque d’un bout de bois et l’apport technologique et contemporain de matériaux qui leur sont greffés — un tee-shirt usé imprimé d’un motif d’oiseau pour Rolf Graf, des feuilles métalliques et des bandes de scotch de couleur pour Gabriel Vormstein — chacune témoigne d’une fusion formelle et spirituelle d’éléments de paysage et de bouts d’humanité, teintés de souvenirs et de gestes d’apprivoisement.
La sculpture de Bernhard Walter, Der Berg bewegt sich nicht, de son propre aveu « entre montagne, abri et heaume », pousse ce rapport à la nature en terme de volume. Une masse impressionnante, assez haute et dégagée pour inviter le visiteur au refuge sans le permettre toutefois, trahit son côté à la fois menaçant et rassurant, incontrôlable, dont on ne peut ignorer le double rôle d’une « force tranquille ». L’ironie grinçante de cette montagne démontable tient également à l’ambivalence de ses constituants, matériaux industriels et naturels, solides et fragiles, à savoir la céramique et l’acier.
Les collages et dessins de Michael Schultze et Claudia Wieser convoquent davantage un univers abstrait, à la fois dans la forme et l’allégorie. Le premier confronte, dans sa série de collages, des scènes de paysages sur des photos trouvées, anonymes, à des phrases extraites de la pièce de Robert Musil, Les Exaltés. L’homme y apparaît peu, la nature plutôt souveraine semble prendre le dessus, exprimant peut-être le désarroi et la perdition des couples des Exaltés. Ce sont également des photographies, pour certaines vieilles d’une centaine d’années, qui servent de base aux dessins de Claudia Wieser.
Reproduites en grand format sur un papier jauni, elle y apporte des modifications d’ordre différent : ajout de couleurs à l’aquarelle, mais surtout formes géométriques exécutées au crayon noir, découpant les paysages en leur centre, redistribuant la composition de l’ensemble. Le sujet, reconnaissable et préservé — l’artiste maintenant un équilibre sensible entre photographie et dessin — se présente sous un jour nouveau, au travers d’une relecture moderniste.
Rassemblés sous un titre emprunté au poète Paul Celan, les travaux font référence à une nature qui ne peut se passer du corps et de l’être humain, dans une communion plus ou moins harmonieuse. Qu’ils procèdent de greffes, de compositions, d’associations, de collages ou d’assemblages, les rapprochements entre l’homme et la nature sont souvent plus formels que sentimentaux, rappelant l’imagerie du poète, notamment ces dents de neige, ces lèvres de fleurs, ou encore cette dernière feuille sur l’arbre qui crie… où le corps et la nature ne font qu’un.
critique
Nous tous sommes la pluie