L’exposition «Nothing Personal» invite à réhabiliter la place de la biographie dans une Å“uvre, en insistant sur les sources intimes de l’artiste. Le travail d’Emma Wolukau-Wanambwa, de Mchael Dean, de Chosil Kil et de Mathieu K. Abonnenc est lié à leur histoire personnelle.
Emma Wolukau-Wanambwa présente Penderosa, une ébauche de ses premières recherches en Ouganda. Un texte et une visionneuse diffusant une photo de paysage disent sa difficulté à fabriquer ses propres images.
Michael Dean, qui a passé son enfance dans une ville industrielle, se dit attaché à ce matériau ordinaire qu’est le béton. La sculpture qu’il expose, une plaque rectangulaire de béton, s’anime d’une poésie inattendue grâce à l’empreinte en creux de deux belles feuilles de marronnier.
Chosil Kil puise dans l’histoire et les pratiques de différentes civilisations, en particulier la Corée dont elle est originaire. Elle expose ici une toile de papier de riz et un cube de bronze doré où sont marquées en creux les empreintes de cloches chamaniques. Images de l’absence ou de la transcendance, ces deux Å“uvres interrogent le rapport au sacré.
Le travail de Mathieu K. Abonnenc explore la manière dont la mémoire individuelle fixe les événements historiques et finit par les déformer. Le souvenir qu’il met ici à l’épreuve est une bague héritée de son arrière grand-père et qu’il a perdue. Reconstitué au gré de ses fantasmes, le bijou est orné de références occultes: une tête de mort et la devise du Counani. Pour chaque nouvelle exposition, l’anneau est refondu pour être adapté au doigt de la personne chargée de l’exhiber (ici la galeriste) dans un processus irrémédiable de déperdition.
L’installation Endless House project: Ulchiro/Endnote Pink de Ian Kiaer est inspirée par un voyage de l’artiste à Séoul. Au sol, la maquette d’une villa de style moderne est réalisée avec des pages de manga. Elle est mise en parallèle avec d’autres éléments fragmentaires: deux feuilles de plastique posées au sol et deux toiles de taffetas rose pastel accrochées au mur, l’une monochrome, l’autre maculée de taches noires. Dans un dialogue entre utopie de l’architecture et utopie de la peinture, se tissent entre ces éléments de multiples connections.
Dans le film Normal Work, Pauline Boudry et Renate Lorenz se réapproprient l’histoire vraie d’Hannah Cullwick, une domestique de l’époque victorienne devenue icône de la liberté féminine et de la transgression. En parallèle de photographies d’archives, les deux artistes exposent une reconstitution filmée qui réactive avec outrance quatre prises de vue d’Hannah, dans lesquelles elle se mettait en scène dans son propre rôle ou travestie en homme, en femme bourgeoise, en esclave noire.
Dans ce film dérangeant, des images érotiques puisées dans l’imagerie gay et sado-masochiste ont été insérées. La relecture de ce fait divers, autour des relations qui unissent travail, corps et sexualité, emmène le spectateur vers des questionnements toujours actuels.
Les six Å“uvres réunies par Marcelle Alix ont pour point commun d’avoir choisi la biographie comme matériau et la reconstitution comme processus de création. Entre histoire personnelle, réappropriation et invention de soi, elles ne cèdent pas à la facilité que serait l’auto-analyse. Au contraire, elles s’engagent avec exigence dans des problématiques vraiment universelles.
— Chosil Kil, And His Daughter, 2010. Bronze. 6 x 15,5 x 16,5 cm
— Mathieu K. Abonnenc, Counani (je maintiendrai par la raison ou par la force), 2009. Silver ring, Variable diameter
— Emma Wolukau-Wanambwa, Penderosa, 2011. Installation: slide-viewer, slide, text printed on paper, wood, black paint. 30 x 50 x 30 cm
— Pauline Boudry, Renate Lorenz, Normal Work, 2007. Installation: 13 frames and 16-mm film transfered to DVD. 13 x (26 x 21 cm), film: 13 min
— Michael Dean, PBC (working title) upside down, 2011. Concrete. 175 x 40 x 4 cm