Manuel Ocampo
Notes from the Ste Anne Asylum
«Notes from the Ste Anne Asylum» présente une sélection de peintures réalisées à l’occasion du séjour de l’artiste philippin à Montpellier en 2013. Invité par le Carré Sainte-Anne à investir cette ancienne église catholique néo-gothique, aujourd’hui désacralisée, Manuel Ocampo avait orchestré une exposition de 35 œuvres, dont 23 peintures datées de 2009, simultanément exposées avec douze pièces réalisées d’après le lieu pendant les trois mois précédant cette exposition.
Les peintures de Manuel Ocampo ont cette faculté remarquable de transmettre la grande finesse d’observation de l’artiste, au travers d’une sémiotique immensément riche de sens et de références. Il concilie sur un seul et même plan les signes de la religion judéo-chrétienne, l’imagerie vernaculaire, les conquistadors et l’iconographie du catholicisme espagnol, la culture underground de Manille, les trash comics, la bande dessinée d’un Robert Crumb et la science-fiction, l’art naïf et la violence des ex-votos mexicains, l’apologie du burlesque et l’esthétique des films gore, la culture du Heavy Métal, l’artisanat des retablos sud-américains, la satire de l’histoire et de la morale assorti à un cynisme politique, le néodadaïsme après Duchamp et le surréalisme de Picabia, mais aussi et surtout l’idéal populaire de la figure de l’artiste insoumis qui dénoncerait l’hypocrisie des accomplissements de nos viles civilisations.
Depuis les années 80, l’artiste philippin a développé un vocabulaire plastique dont la constance du développement ne se départit jamais de la virulence et de la provocation dans ses motifs: dents — molaires, croix, formes embryonnaires — fœtus, crânes, signes phalliques et scatologiques, oiseaux, viscères et saucisses, excréments, ampoules, personnages de cartoons, crucifix et calices, épées, yeux et ossements, vautours et déchets alimentaires. Prolifique et d’une grande générosité, il ancre sa palette sombre dans une gestualité radicale inspirée de la peinture expressive de Francis Bacon ou de la brutalité sculpturale de Paul McCarthy.
Faiseur d’images subversives et décadentes, il alimente à profusion le chaos avec jouissance, insolence et jubilation. En confrontant les fétiches de la religion et de nos symboles avec les icônes de la culture populaire, Manuel Ocampo questionne notre attachement à nos valeurs, nouvellement transposées dans une société de consommation instable et incertaine.
Le titre de l’exposition «Notes from the Ste Anne Asylum» est une réminiscence de l’endroit qui comporte aussi le terme asile, pour évoquer un lieu inviolable où l’on serait à l’abri des persécutions, des poursuites, de la justice; un sanctuaire: «On considère que l’univers de l’artiste se place à distance des codes du quotidien, qu’il doit certainement cultiver une certaine folie — réelle ou imaginaire, et l’on attend de lui qu’il se comporte comme tel — un cliché également largement exploité par les artistes» commente Manuel Ocampo.
Malgré toute la transgression qui caractérise son travail, l’œuvre de Manuel Ocampo apporte une certaine forme de confiance: c’est précisément parce qu’il nous donne à voir crûment des compositions anarchiques, que l’on s’assure qu’une contestation des modèles établis est toujours possiblement latente, et qu’il nous reste à espérer que c’est par le grotesque de la chute et de la destruction que viendra la résurrection.