Louidgi Beltrame
Nosotros tambien somos extraterrestres
Cette exposition agence un ensemble d’œuvres accompagnant un nouveau film de Louidgi Beltrame. Ce film emboîte le pas de deux œuvres historiques de Robert Morris: Observatory, earthwork construit en Hollande en 1971 et Aligned with Nazca, pièce textuelle publiée dans Artforum en octobre 1975 et illustrée d’images d’archives et de photographies prises par Robert Morris en voyage au Pérou sur les traces de la civilisation Nazca et de ses mystérieux géoglyphes.
Louidgi Beltrame relie deux sites en activant l’Observatory situé sur les polders aux Pays-Bas ainsi que les lignes de Nazca situées sur un grand plateau désertique de la côte Sud du Pérou. Le film associe et actualise des espaces et des époques hétérogènes — territoires archéologiques précolombiens, tensions théoriques de l’art des années 70, du minimalisme au Land Art — tout en convoquant la performance, la musique électronique et les cycles cosmiques.
René Garcia Atuq, artiste péruvien, explique bien dans les lignes qui suivent, ce qui se joue dans cette exposition:
«Je m’appelle René Garcia Atuq. Je suis artiste. Je vis à Lambayeque, au Pérou. J’ai rencontré Louidgi Beltrame aux abords du plateau désertique de Nazca. Il filmait son ami Victor Costales, qui arpentant ces immenses lignes tracées il y a quelques 1700 ans par les indiens Nazca, énonçait de mémoire un texte écrit par Robert Morris suite à un voyage ici-même, oui, à Nazca, dans les années 70. Louidgi Beltrame déplaçait le corps de Costales dans cet espace fantastiquement horizontal et avec lui les observations de Robert Morris sur la matérialité de ces «mystérieuses» lignes qui allaient alimenter son approche du Land Art. En emboîtant les pas de Robert Morris, il s’agissait tant de savoir ce que le texte disait que de savoir ce que les lignes disaient. Le texte et les lignes dans le désert ne tombent pas toujours d’accord.
Le déplacement de ce texte intitulé Aligned with Nazca (Artforum, 14, 1975) avait commencé ailleurs. En Hollande, sur les polders, là où Robert Morris avait construit un earthwork un peu oublié — appelé Observatory (1971-1977). La sculpture — une double enceinte circulaire faite de bois et de terre, munie de visées s’alignant avec le soleil lors des solstices et des équinoxes — avait étrangement amené Louidgi Beltrame à filmer à la conjonction de l’espace et du temps; à enregistrer Observatory qui devenait complètement Observatory, quand la seule position du soleil activait cette œuvre voire l’actualisait quatre fois par an. Equinoxe, solstice, équinoxe, solstice. Voilà qu’une sculpture devenait le dispositif d’un film. Elle le chapitrait à mesure que Louidgi Beltrame l’observait puis l’étudiait en y ramenant le texte de Robert Morris pour en tester les fondations, puis en y organisant et enregistrant un concert de Morten Norbye Halvorsen et Benjamin Seror qui produisaient là , dehors, à l’orée de l’hiver, la musique dudit film.
Il y avait une idée de célébration indexée sur les cycles du soleil. Et je m’y connais en célébration cosmique. Voilà peut-être pourquoi Louidgi Beltrame m’a invité à introduire son exposition «Nosotros Tambien Somos Extraterrestres». Titre programmatique, non? J’y ai par conséquent glissé quelques objets extra-terrestres qui regardent son nouveau film, un dispositif d’images et un ensemble de sculptures issus d’une rencontre impossible entre la sortie de l’art minimal d’un artiste américain, les puissantes découpes de l’espace des indiens Nazca et une rave party sans fin du Second Summer of Love.» René Garcia Atuq, août 2014