Art, résistance et mémoire s’entremêlent dans l’exposition « Nomen nescio » de Nicolas Daubanes au château d’Oiron. L’expression latine, qui signifie « je ne connais pas le nom », est souvent réduite aux initiales NN. Les Nazis se servaient de ces mêmes initiales pour désigner les directives « Nuit et Brouillard », instituant la déportation et la disparition des saboteurs, résistants et opposants au régime du IIIe Reich. Les œuvres de Nicolas Daubanes rendent hommage à ces héros de l’ombre, en capturant leur élan de révolte dans son essence fugitive et en la préservant de l’oubli.
« Nomen nescio » : la mémoire menacée de disparition
Construit au XVIe siècle, le château d’Oiron connaît depuis une lente dégradation, contre laquelle l’État français a lutté du XIXe jusqu’à nos jours. Classé monument historique, il a fait l’objet de multiples opérations de restauration pour sauvegarder son architecture et ses fresques. L’édifice et ses trésors résistent, malgré l’usure du temps.
Les œuvres de Nicolas Daubanes exposées au château d’Oiron font écho à ce combat contre la disparition, par ce qu’elles figurent et par les matériaux qui les composent. Ainsi, sa sculpture en forme d’escalier en vis gît au sol, à l’entrée de la cour. Composée de béton friable, elle ressemble à une ruine sur le point de se déliter. De même, ses dessins faits de poudre de fer aimantée à de larges panneaux menacent de s’effondrer, emportant dans leur chute les anciennes prisons françaises qu’ils représentent.
« Nomen nescio » : un art de la résistance
Le travail de Nicolas Daubanes résonne d’autant plus avec son lieu d’exposition qu’il évoque une partie de sa longue histoire. Le château d’Oiron a en effet été occupé par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Or, plusieurs des œuvres de l’artiste s’inspirent directement des méthodes des Résistants français. La sculpture Sabotage 9 (2020) est faite de béton mélangé à du sucre, en référence aux actions de sabotage des ouvriers, qui visaient à rendre friables et fragiles les ouvrages de défense que le IIIe Reich les obligeait à construire.
L’installation En plein jour (2020) met le spectateur dans la position d’un mutin, visible par tous, sous la lumière du dispositif. La lumière se fait synonyme d’action résistante dans l’œuvre de Nicolas Daubanes, par association au roman L’Armée des ombres de Joseph Kessel, qui sort du maquis pour s’exposer au grand jour. Plus largement, les dessins en poudre de fer aimantée de Nicolas Daubanes représentent tous des lieux de révolte, de résistance, de mutineries de l’histoire française.