Reprenant une idée déjà expérimentée l’an dernier, Stephen Maas, lauréat de la XIVe bourse d’art monumental de la ville d’Ivry, a lancé de longues jetées en aggloméré dans la grande salle du Credac.
Elles y rétablissent une horizontalité attendue, et offrent des points de vue sur une grève parsemée de sculptures hétéroclites. Ou alors, dans un renversement des rôles suggéré par le titre (Stages for Other People), sont-elles des estrades, livrées aux ébats des spectateurs. L’influence du langage sur la perception est l’un des enjeux majeurs de la sculpture de l’artiste. Mais non le seul.
Une gamme rudimentaire d’équilibres, et de tensions entre intérieur et extérieur est déclinée en quelques autres horizons (Other Horizons). Chacun d’eux est constitué de quatre grandes plaques de métal galvanisé, parallèles et perpendiculaires deux à deux, emboîtées de telle sorte que la structure repose sur la tranche de deux d’entre elles. Le clin d’œil à l’art minimal est quelque peu irrévérencieux : çà et là , abandonnés par un jusant charriant polystyrène bleu, plastique jaune et papier glacé noir, ces corps étrangers s’accrochent aux parois, sont retenus dans les interstices, et tranchent avec le gris terne du métal.
Jeu de cache-cache : il faut circuler, scruter, et découvrir, dans un détour, des formes humanoïdes en cire, renversées, voilées, ficelées. Ou bien une frêle colonne d’allumettes soudées au mastic, antenne sans rayonnement, signe d’une activité aussi ludique que dérisoire. Au pied d’une jetée, s’amoncellent de grosses clefs calcifiées ((S)hell) dont les empreintes sont des lettres. S’en détache le mot « Hell ». Un enfer qui, s’il s’ouvrait, embraserait promptement agglo et carton, et fusionnerait cire et métal.
Les états sont précaires. Les matériaux hétérogènes. Et leur contamination fait écho à celle qui gangrène le monde. Leur reconfiguration poétique, sous le signe assumé de l’impureté, est soumise à de multiples agents de fragmentation à l’œuvre sous le vernis des apparences (Noiseless Cracking). Aucune certitude n’y résiste. Le sens fuit de toutes parts : craquelures invisibles, mais, ô combien, sensibles.
Stephen Maas
— Black Montain Video, 2003-2004. DVD. 15’.
— Sans titre, 2004. Photo couleur.
— NCP, 2004.
— Stages For Other People, 2004.
— (S)hell, 2001.
— Sweet Dreams, 2003.
— Eyeless, 2003.
— Other Horizons n°1, 2004.
— Other Horizons n°2, 2004.
— Other Horizons n°3, 2004.
— Sub, 2004.
— Hello, 2002.