Noir absolu

Arthur Aeschbacher, Enric Ansesa, Santiago Arranz, Massimo Arrighi, Silva Beju, Sergio Birga, Albert Bitran, Hans Bouman, Gianni Burattoni, Olivier de Champris, Eric Collette, Jean Degottex, Nathalie Du Pasquier, Luce Delhove, Franck Delorieux, Piermario Dorigatti, Bernadette Février, Michel Gérard, Hiroshi Harada, Robert Groborne, Claude Jeanmart, Denise Jeanmart, Laurie Karp, Jean-Noël Laszlo, Benjamin Lévesque, Umberto Mariani, Remi Matsukura, Yvon Mutrel, Nanna, Jean-Charles Quillin, Colette Raynaud, Esther Segal, Vladimir Skoda, Beatriz Zamora

Noir absolu

L’histoire de la couleur noire dans la peinture ne commence pas avec le débat par tableau interposé entre Kasimir Malevitch et son Carré noir sur fond blanc, et Alexandre Rodtchenko avec son Cercle noir sur fond noir. La Renaissance, à de rares exceptions près, semble vouloir éviter le noir. Pourtant, c’est alors qu’apparaissent les portraits sur fond noir, ainsi que les hommes et femmes vêtus de noirs. Deux événements indépendants vont se conjuguer: la mode du noir pour l’habillement de l’aristocratie et les fonds noirs qui rehaussent l’éclat des couleurs.

Mais Léonard de Vinci conseille le bleu pour le rendu des ombres. Ce n’est qu’avec le Caravage que le jeu des ténèbres et de la lumière, dans un combat spectaculaire, modifie la conception de la peinture. Rembrandt et Georges de la Tour en donnent d’autres modalités. Plus tard, ce sera au tour de Goya de réaliser le fabuleux cycle des «pinturas negras» dans sa demeure. Edouard Manet a beaucoup usé du noir et ses amis impressionnistes le suivent, malgré leurs réticences. De toute façon, à leur époque, l’on s’habillait en noir.

Avec les avant-gardes, le noir n’est sujet de débat que pour les suprématistes et les constructivistes russes: les cubistes et les fauves l’évitent. Malgré tout, au début du XXe siècle, le noir devient une couleur comme n’importe quelle autre.

Mais, après la dernière guerre, le noir revient en force dans la création plastique. Autant en France, avec Atlan, Soulages, Bitran, Hartung, qu’au Etats-Unis avec Franz Kline, Robert Motherwell, Frank Stella, Ad Reinhardt. En Italie, c’est Fontana et Burri qui en font un large usage. En Espagne, il ne faut citer Antoni Tapies.

Puis cela est une problématique pleine et entière avec, par exemple, Jean Degottex, Jannis Kounellis, Enzo Cucchi ou Beatriz Zamora au Mexique qui n’a jamais peint qu’en noir.

Quoi qu’il en soit s’est développée plus récemment une inclination pour un dépassement des termes de la monochromie en noir avec Massimo Arrighi, Umberto Mariani, Domenico D’Oora et Gianpiero Podestà.

Cette quête passionnée pour cette couleur se poursuit aujourd’hui dans l’abstraction autant que dans la figuration, mais aussi dans les termes d’une recherche conceptuelle. Plusieurs générations d’artistes se sont confrontées à cette couleur qui représente l’une des frontières de l’art et demeure en phase avec la philosophie (personne n’a su encore répondre depuis la Grèce ancienne: pourquoi le ciel est-il noir la nuit?), de l’astrophysique (la question des trous noirs devient de plus en plus énigmatique) et la poésie (après le romantisme noir en Angleterre et en Allemagne, il y a eu des poètes comme Baudelaire ou Hugo où le mal et le noir ont partis lié, comme on peut aussi le voir dans A Rebours de Huysmans). Et puis une esthétique du noir s’est imposée au cinéma et dans le roman policier, dans le design aussi, sans parler de la petite robe noire de Chanel.

Le noir des pirates et des anarchistes est aujourd’hui une question esthétique en suspens dans l’art le plus radical et banalisé, dans la vie d’intérieur comme dans les bureaux.

Vernissage
Jeudi 31 octobre 2013 à 18h30