Antoine d’Agata
Nóia
En parallèle de l’exposition «Anticorps» au Bal à Paris jusqu’au 14 avril 2013.
L’installation présentée au Bal n’obéit pas aux canons de la rétrospective classique, et tente de donner une nouvelle dimension au travail. Pour y répondre, cette exposition choisit de montrer des images iconiques de l’artiste comme elles n’ont jamais encore été présentées. Des tirages en grand format vont ainsi habiter, hanter la galerie. En écho à la présentation «all over» du Bal, le principe scénographique retenu par Antoine d’Agata posera les images une à une dans l’espace, et mettra en évidence leur importance ainsi que leur sidérante splendeur.
Si l’on adhère pleinement à l’œuvre d’Antoine d’Agata, c’est qu’à l’évidence elle dépasse la noirceur qu’elle dévoile, pour la transfigurer en une œuvre d’art sans équivalence: unique et absolue. Antoine d’Agata est aujourd’hui un des rares artistes à pousser l’expérience à son paroxysme. Son cri existentiel provient autant de la terreur que de la beauté humaine et s’illustre par quelques «images rescapées». Exégèse vitale qui s’allie au discours politique dans un désir de sabrer l’indifférence.
Difficile pour qui ne connaît pas le travail de deviner que les corps d’hommes torturés dans les images sont le sien. De fait, Antoine d’Agata ne prend pas des photographies, il est l’image même. Dès lors, comment parler d’un artiste qui paye de sa vie pour créer son œuvre? Comment évoquer les quinze mille images qu’il a revisitées ces deux dernières années dans un désir de redessiner toute son œuvre. Que dire de la magistrale monographie et de ces deux expositions qui en sont issues ainsi que de son long métrage à venir? Connu de beaucoup, tant sa personne est accessible, il est pourtant un homme secret et intime. Proche de nombreux artistes, il préfère leur compagnie et celles de quelques personnes qui l’accompagnent aux applaudissements du public. Si Antoine D’Agata s’expose, c’est qu’il a une volonté farouche de dire la souffrance d’une humanité blessée, le lien indissociable de la vie avec la mort, de montrer ces êtres que personne ne veut regarder. Car pour lui, «seul l’imaginaire dévoile l’impossible réel».
Les écrits d’Antoine d’Agata viennent en appui de son œuvre artistique. Texte monumental s’il en est, son dernier texte paraît dans la monographie que lui consacre Xavier Barral. Impossible de respirer en lisant ces 80 pages sans point. Les mots de d’Agata dévorent, agissent sur la conscience, dénoncent les faux semblants du monde et se muent en un document politique incontournable.
Là encore, l’artiste impose un dépassement à l’autre. Qu’il lise ou qu’il regarde, il sera forcé de s’arracher de la norme pour percevoir l’essence artistique de l’œuvre.
Christine Ollier