La notion de chantier est au cœur du travail d’Alain Bublex. Son premier projet, Glooscap, reconstituait les différentes étapes de la construction d’une ville imaginaire depuis son origine jusqu’à nos jours. Plus récemment, Plug-in City montre une ville composées de cellules connectées regroupant les fondamentaux d’une vie urbaine. Il n’y a pas de terme à ces réalisations, elles peuvent sans cesse être modifiées ou augmentées.
Cette notion de chantier, Alain Bublex l’a appliquée à l’échelle l’exposition qui prend corps au sein même de l’accrochage des collections permanentes du Mac/Val.
Plutôt que d’endosser le rôle d’artiste-commissaire, il a choisi la position d’un metteur en scène. Il ne modifie pas le parcours de l’accrochage des collections permanentes — intitulé «Je reviendrai» —, mais lui donne un éclairage paradoxal en plongeant les œuvres dans l’obscurité.
Le noir n’est pas total. Les fenêtres sont occultées, les lumières habituelles éteintes, mais Alain Bublex les remplace par quelques sources lumineuses précaires, spots de chantier ou néons bruts braqués sur des murs vides. Le Mac/Val est ainsi plongé dans une atmosphère entre chien et loup qui donne une impression de mise en veille, de temps suspendu.
Alain Bublex a disséminé tout au long du parcours des œuvres qui surgissent sans cartel, sans vitrine, comme en attente d’être déplacées. S’il a ainsi plongé ses pairs dans le noir pour présenter les siennes, elles trahissent un caractère éphémère, comme en écho au titre de l’accrochage «Je reviendrai».
Les travaux les plus connus d’Alain Bublex — Plug-in City et Aérofiat — sont là , mais en arrière-plan, exposés dans une des dernières salles au milieu d’autres projets, des câbles et autres plots de construction.
Cette carte blanche n’est pas une rétrospective des travaux de l’artiste mais une mise en abyme de sa démarche artistique. Elle prend la forme d’une œuvre d’Alain Bublex, avec ses caractères éphémère et incertain.
Cette incertitude est l’un des traits de l’œuvre d’Alain Bublex. Dans les collections «Je reviendrai», le palpable, le matériel n’est significativement pas l’essentiel, car sa pratique se fonde sur des projets en construction où la démarche prend le pas sur le résultat final.
Aussi les attentes du visiteur se trouvent-elles bousculées. Il ne retrouve ni le parcours des collections permanentes, ni les œuvres espérées de l’artiste-invité.
La lumière n’accompagne plus la visite et n’indique plus précisément ce qu’il faut contempler. Les angles et les pans de murs reçoivent les uniques sources lumineuses et révèlent l’ossature du musée. Regarder signifie ici s’approcher, détailler.
Paradoxalement, l’obscurité donne tout à voir et le spectateur a seulement à ressentir.
Alain Bublex
— Dinner Time, 2005. Vidéo 10’44’’.
— Kiosque Wet Stones, 2006. Techniques mixtes. 285 x 390 x 170 cm.
— Nocturne, 2009. Dessins.