A l’image des neuf femmes célèbres auxquelles elle rend hommage dans «Nine Historic Hysteric Women», Nicola L. possède une certaine aura. Elle n’hésite pas à rire de la facilité qu’ont parfois les hommes à prendre toutes les femmes pour des hystériques, dès lors qu’elles s’agitent un peu.
Récapitulons: 1968, date-symbole de la libération de la femme, marque aussi la renommée de l’artiste, citée par Pierre Restany pour une œuvre qu’il intitule aussitôt «Les Pénétrables».
On pénètre en effet dans ces toiles montées sur châssis, en passant les bras à travers cinq orifices munis de manchons, les quatre membres plus la tête. Appelées Océan, Atmosphère, Terre, «Les Pénétrables» célèbrent l’univers. L’exposition y fait référence avec La Dominatrice datée de 2003, mais aussi grâce à une mise en scène filmée de 20 mn, Sand, Sea, Sky.
A l’aube des années 1990, Nicola L. revient à ses premières amours, la peinture, et propose d’intéressants collages à travers des toiles grands formats où figurent de gigantesques têtes.
L’œuvre Snail-Head, My News l’évoque justement: du côté de l’entrée, plusieurs tableaux-collages instaurent un dialogue entre des têtes en carton découpé et leur bulle, symbole de la pensée. Les bulles présentent des coupures de presse tirées de l’actualité politique française des derniers mois, tandis que Nicola L. séjournait à Paris. Totalement tournés en dérision, les collages montrent Ségolène Royal, Dominique de Villepin, parlent du CPE ou du Clémenceau.
«Lors de mon passage à Paris, j’ai réalisé ces collages durant deux mois, m’inspirant des gros titres. Ceux-ci me permettent souvent de mélanger les langages».
On reste dans le jeu avec la présence d’un escargot en carton collé dans un autre tableau, face à une tête qui le regarde. «L’escargot est venu comme un antidote. Les deux têtes aux escargots forment un dialogue de couples finalement, un truc très personnel».
Fascinée par la relation au corps qu’elle explore auprès des Nouveaux Réalistes Yves Klein, Gérard Deschamps, Raymond Hains ou Mimmo Rotella dans les années 70, Nicola L. crée des sculptures fonctionnelles, exposées à la galerie de design Nec.
Le Pied-Sofa, le Lit-Corps, la Femme-Télévision sont des standards, des objets inspirés des performances, «qui me tirent, ajoute-t-elle, de ma folie immatérielle…».
On pense immanquablement à la série «Chaise, table et porte manteau» (1969) du britannique Allen Jones où les femmes sont transformées en meubles dans des poses érotiques, mais ici la sculpture du Manteau collectif ajoute un nouveau rapport au corps.
«Nine Historic Hysteric Womenest un vêtement communautaire, un manteau en vinyle noir que neuf femmes habitent le temps d’une performance ou chacune dit le texte correspondant à son identité. Je voulais des femmes fatales à elles-mêmes».
On retrouve toutes sortes de destins dans les neuf visages imagés: celui de Madame Bovary à Marilyn Monrœ, en passant par Cléopâtre ou la tête pensante du groupe terroriste Baader-Meinhof, Ulrike Meinhof retrouvée pendue dans sa cellule.
«Toutes ces femmes sont très différentes, mais je m’y suis beaucoup intéressée. Ulrike, je l’adore, parce qu’elle symbolise notamment les derniers romantiques allemands. En tant que femme, je la comprends… J’ai par ailleurs été très bouleversée par les écrits d’Eva Hesse. Certains artistes contemporains devraient reconnaître l’influence qu’elle a pu exercer sur leur travail» A chaque femme correspond une toile présentant son portrait et une biographie personnalisée, un cachet de l’artiste faisant foi: Frida Kahlo pour son courage, mais aussi Jeanne d’Arc ou Mona Lisa.
Peinture et écritures se mélangent à l’émotion. Neuf femmes en une. Nicola L. au pluriel, mystérieuse et emblématique, symbole de notre temps, porte-parole de la condition féminine…
Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt
Nicola L
— Le Manteau noir pour neuf femmes, 1994. Manteau en vinyle noir.
— Historic, Hysteric Women, 2006. Collage sur toile de coton blanc. 175 x 140 cm.
— Nine Historic, Hysteric Women, 2006. Photo couleur. 175 x 140 cm.