Festival indiscipliné et joyeusement offensif, Jerk Off propulse sa onzième édition. Danse, performance, photo, installation, vidéo, cinéma… La pluridisciplinarité s’articule ici autour d’un acte partagé : bousculer le dogme des genres. À l’échelle globale, les esprits semblent aller dans le sens de l’ouverture. Cet été, l’Allemagne a adopté le genre neutre (ce que sa grammaire connaît déjà ). Et récemment (le 6 septembre 2018), la Cour suprême indienne a dépénalisé l’homosexualité. Pour autant, l’hétéro-normativité et les valeurs patriarcales connaissent un regain d’autorité dans les pays tentés par le totalitarisme. La Hongrie de Viktor Orbán, par exemple, est en train d’interdire les gender studies. Dans ce climat, le festival Jerk Off met plutôt en lumière des identités, des corps, des cultures qui débordent l’écrasante normativité. Festival des diversités, Jerk Off 2018 réserve ainsi dix spectacles, trois expositions et un film.
Jerk Off 2018 : danse, théâtre, photo, cinéma… le genre comme point de mire
Festival dédié aux émergences, Jerk Off affiche ses couleurs dans son nom. Une convergence de jeunes branleurs-ses [jerk off : se branler], pleins d’irrévérences et d’énergies. Pour rendre visibles les alternatives. Quand le masculin et le féminin entonnent leur chant à la gloire du TINA thatchérien [There Is No Alternative], Jerk Off déploie une polyphonie bigarrée. Matthieu Hocquemiller, par exemple, présentera Le Corps du Roi (2018). D’après le Ballet comique de la Reine et après Michel Foucault, Le Corps du Roi explore avec humour la pluralité du corps (naturel, politique, autre…). Pour une performance en forme de dialogue amical ente deux performeurs, Mathieu Jedrazak (drag et chanteur lyrique) et Mimi Aun Neko (trans-activiste et réfugiée politique thaïlandaise). La chorégraphe Nina Santes présentera pour sa part Self Made Man (2015). Un solo entrelaçant mouvement, voix parlée et chantée. Pour une pièce où se construit, déconstruit, reconstruit le soi, sur scène.
La danse et la performance pour interroger les genres, dépasser les évidences
La chorégraphe Hélène Rocheteau livrera quant à elle La Nuit manquante III (2017). Dernier opus d’une trilogie visant à plonger dans le corps. Solo, puis duo, le troisième volet est le temps du groupe. Avec, toujours, comme point de mire, la question de la saisie de soi. Comment le corps s’empare de sa propre obscurité, de ses impensés et autres morceaux d’animalité. Le chorégraphe Matthieu Nieto, pour sa part, proposera I came here to talk (2017) [J’étais venu ici pour parler]. Jeune homme blanc, Matthieu Nieto a le corps du bon genre. Mais il a surtout le chic d’interroger la légitimité des privilèges que lui confère sa naissance (si tant est que). Pour une pièce où se croisent Voguing, R&B, études de genre, post-colonialisme… Conférence performée, avec Lettre à Sumaya (2018) Tarek Lakhrissi construit une géographie émotionnelle et mémorielle. Une expérience qui passe par la fiction pour trouver du réel. Dans un festival à suivre.