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Niele Toroni

09 Jan - 07 Fév 2010
PCéline Piettre
@27 Jan 2010

Pour Niele Toroni, la peinture est une chose bien trop sérieuse pour qu’on la condamne à n’être qu’un art de la représentation! Voilà pourquoi, entre humour, révolte théorique et ambitions conceptuelles, ses alignements continuent de «perturber» les cimaises d’Yvon Lambert, au risque, à terme, de nous lasser…

Des traces colorées, rouges, jaunes ou bleues, se succèdent à des intervalles réguliers de 30 cm. Toujours les mêmes, depuis quarante ans, réalisées avec l’incontournable pinceau n°50, qui fait aujourd’hui office de signature. Toujours la même monotonie rigoureuse, la même absence de référence ou de subjectivité. Encore et toujours cette «peinture-travail», qui remplit de sa neutralité les espaces vacants, toiles vierges ou murs blancs, et se contente d’exister, sans sujet, sans finalité aucune. Seule l’empreinte du pinceau, inlassablement répétée, suffit à faire l’œuvre. Ou plutôt à la nier, tout autant que l’artiste qui la porte.

C’est entre 1966 et 1967, à l’occasion d’une série de quatre expositions-manifestes, que Niele Toroni fonde le groupe BMPT aux côtés de Daniel Buren, Olivier Mosset et Michel Parmentier — cette «bande de voyous» comme les nommera affectueusement le critique d’art Michel Troche.
Acteurs d’une profonde remise en cause des mediums traditionnels et de l’institution, ils prônent un retour au degré zéro de la peinture, réduite à la répétition du même motif selon une mécanique ouvrière dont la cadence vide peu à peu la composition de toute substance signifiante.
Il ne reste plus que la toile, le pinceau, la couleur. Bref, les «outils» de la peinture, dépossédée de sa puissance illusoire.

Depuis cet acte de naissance, Niele Toroni n’a pas cillé. On le retrouve fidèle à lui-même pour cette dix-septième (!) exposition personnelle chez Yvon Lambert, son galeriste et complice de longue date. Ses grands formats de 2008 (trois pour être exact) partagent les cimaises avec une série d’affiches d’expositions — les siennes —, servant à leur tour de supports à l’obsessionnel marquage, pour une double et ironique mise en abîme de la peinture.

Dans le même esprit auto référentiel, la palette de couleurs en bois présentée dans la librairie, tachetée elle aussi des empreintes fétiches, fera le bonheur des collectionneurs, réjouissante variante de la non-touche toronienne (et financièrement plus accessible).
Il est néanmoins regrettable que ce peintre de «l’ici et maintenant», dont le travail est si souvent lié à son environnement immédiat, ne soit pas intervenu directement sur les murs de la galerie, réorganisant l’espace de son intervention… comme il l’a fait en 2009 et dont le hall d’accueil porte toujours la trace discrète.

La constance, l’entêtement de Niele Toroni est à double tranchant et l’on peut se poser la question de sa pertinence dans le contexte artistique actuel, 39 ans après la dissolution du mouvement BMPT!
Cette peinture d’avant-garde vieille de plus de quatre décennies a-t-elle encore une place aujourd’hui, à l’aube du XXIe siècle, au sein d’un post-modernisme finissant, qui ne se soucie plus guère des querelles dogmatiques et des prises de becs conceptuelles?
Peut-être pas… Mais elle a le mérite, outre d’échapper à la servilité des modes et des tendances, de continuer à véhiculer l’intérêt d’une réflexion sur l’art et ses limites, faisant de lui, si l’on emprunte ses mots à Pasolini, une forme de «résistance à la distraction».

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