Vidéochroniques présente l’exposition de Nicolas Gilly, « À portée de main ». Une exposition monographique composée d’une série photographique. Tirages couleurs de format carré, chaque photo présente un gros plan de paume de main, celle de Nicolas Gilly. Prises en plein jour, souvent dehors, chaque main se détache sur fond de ville. Un pavage ici, un dallage là , un rideau de fer ici, une route goudronnée là … Parfois un morceau de chaussure, ou de manche. Mais rien, dans ces éléments photographiés, qui puisse indiquer réellement : qui, où, quoi, quand, comment. Hormis le dessin tracé au feutre dans la paume de cette main. Car le point de fuite est bien là . Dans ces griffonnages habiles et précis, esquissant en noir et chair ce qui, peut-être, environne Nicolas Gilly. Morceaux architecturaux, perspectives de rues, pavillon bordé de haies, place de village, horizon dégagé… Nicolas Gilly tient le monde au creux des mains.
La main qui crée : sous des allures anodines, un enjeu-clef de l’histoire de l’art
Dans l’histoire des images sacrées (religieuses), il y a deux grandes catégories : les images acheiropoïètes, et les autres. L’interdit frappant la représentation porte souvent sur ces autres images. Quelles pourraient être les images acheiropoïètes, c’est-à -dire, littéralement, non fabriquées par la main humaine ? Le Saint Suaire. Ou encore, par extension, les icônes byzantines. Autrement dit, tout un régime pictural ne faisant que transiter par la main d’un médiateur anonyme. Avec les renversements de la Modernité, la main de l’artiste sera devenue objet de fascination. La valeur se déplaçant alors de l’inspiration divine, à la signature faite main — Marcel Duchamp signant son Urinoir (1917) R. Mutt. Les technologies ont encore modifié ce rapport — l’Urinoir de Marcel Duchamp étant d’ailleurs, à la base, une photo. Avec « À portée de main », Nicolas Gilly prolonge ainsi le récit collectif, mais avec cette connotation légèrement désœuvrée propre à l’époque contemporaine.
Exposition « À portée de main » de Nicolas Gilly : le monde au creux des mains
En marge du Body Art, les dessins de Nicolas Gilly éveillent la curiosité. Quid si la paume devient moite ? Est-ce qu’ensuite le dessin coule en un gribouillis à demi-effacé par la sueur ? Est-ce que chaque dessin laisse une trace durable, comme ces tatouages au henné ou ces relevés d’empreintes digitales ? À l’opposé du cliché des mains de pianistes (longues et effilées), la main de l’artiste Nicolas Gilly est ample et ramassée. Laissant supposer une poigne solide. Tandis que graciles, rapides et précis, les traits de ses dessins traduisent la dextérité (et même, l’ambidextérité) en acte. Cadrages serrés, sans autres points de fuite que ceux dessinés dans cette paume, la série photographique exposée dans « À portée de main » relève autant de l’impromptu que du systématisme. Et mêlant paysage et portrait, Nicolas Gilly relève ainsi ce défi propre aux artistes : par leurs mains fabriquer des images à offrir.