DESIGN | CRITIQUE

New Works n°1

PMarine Drouin
@24 Avr 2009

On aime à qualifier la Fat Galerie de pépinière d’artistes parce qu’elle les découvre tôt. Et la jeunesse de leurs travaux ne lasse pas de fraîcheur et d’inventivité. Après deux ans au coin de la rue du Petit-Thouars, c’est comme une évidence que s’impose le nouvel événement qu’elle initie aujourd’hui, New Works, pour présenter les dernières audaces de ses designers.

Ce rendez-vous est l’occasion de confirmer les talents suivis par la galerie tout en signalant qu’ils sont en recherche permanente. La Fat est désormais assurée de ses critères : des créations assez singulières pour ouvrir au design les voies de nouveaux langages, mais aussi rigoureuses que l’entend la discipline. Et une énergie de renouvellement dont New Works témoignera tous les deux ans.

Julian Mayor, Julien Carretero, Peter Marigold et Raw Edges Design Studio exposent des boutures apparentées aux « jeunes pousses » que la Tools Galerie dévoile dans le même temps : la métaphore printanière est filée. Né de récentes expérimentations, l’événement ne tombe pas dans le trop simple avant/après : on ne tire pas une conclusion semblable de la comparaison des jeunes propositions avec leurs aînées.

De Julien Carretero, deux pièces aux esthétiques divergentes : This Is a Fan, un ventilateur de mécanique interne sanglé au centre d’une cage qui le réinsère dans l’univers domestique, et To Be Continued Sideboard, un meuble créé au moyen de moules successifs qui génèrent l’approximation d’une forme « in process ». Une même idée de la différence dans la répétition, trouvée tant dans la réhabilitation permise par le bricolage, que dans l’élaboration d’un système de production.
En revanche, on identifie aisément les versions « bois » des bancs du Raw Edges Design Studio, réalisés selon les techniques de l’habillement : un revêtement fidèle à vos mensurations est rempli de mousse polyuréthane expansée. Hier associés à l’industrie sous leurs robes Pantone, les Tailored Stools s’habillent façon mobilier de salon et existent d’autant plus qu’ils se sont détachés du mode de fabrication qui les singularise.

Julian Mayor aussi, reste dans la même lignée formelle. Ses deux fauteuils inédits poursuivent la recherche d’une forme incarnant son image de synthèse, et sa Frame Light est une constellation dont les arêtes dessinent un volume aéré aux allures de toile d’araignée. Le designer confirme une création fondée sur le fantasme en clair-obscur d’objets d’un seul tenant. Visions nocturnes de volumes auto-engendrés, en orbite.

Quant à Peter Marigold, ses Tan Mirrors au cadre circulaire continuent d’explorer un comportement moins convenu de l’objet, et plus signifiant quant à la vie du matériau et son adaptation à l’espace. En témoigne une ancienne table dont le plateau est percé d’une forme géométrique à laquelle le bois fibreux résiste. A ce conflit succède une relation plus sereine au jeu des figures entre elles : les miroirs sont suspendus à des cordes qui coulissent au bord de leur cadre. Le cercle est bercé, et la tangente formée est apaisante de perfection.

De ces récentes recherches, on retiendra les nouveaux opus les plus marquants de Julian Mayor et de Julien Carretero.
Parce que le premier allie des pôles de plus en plus opposés. Après les Clones de fauteuils Louis XV, Angle Chair va jusqu’à utiliser des strates de carton pour une assise aux finitions aussi nettes que le matériau est brut. De même, après l’enveloppe immaculée de  Général Dynamic, Strata Chair en est une version plus lisse encore, mais aussi plus empreinte en creux du corps de l’usager.
Quant au second, il pose en manifeste les bases de sa pièce To Be Continued Sideboard : deux faces dont l’une est à bords francs, et l’autre exhibe les irrégularités issues de son processus de fabrication. Chaque tranche de polyuréthane composite étant calquée sur la précédente, l’imperfection générée par la succession des moules rend l’objet passif d’une mutation qui le fait s’auto-créer.

New Works insuffle davantage de liaison au sein des propositions épisodiques et orphelines des galeries. Et la Fat en traduit la dynamique en son espace : moins select qu’un showroom et plus actif qu’un lieu de stockage, son sous-sol est la réserve de travaux passés, montés tour à tour auprès des nouvelles pièces pour activer une solution de continuité à nos yeux.

Julian Mayor
— Frame Light, 2009. Sapin. Fait main. 50 x 50 x 50 cm
Julien Carretero
— This Is a Fan, 2008. 40 x 35 x 35 cm.
— To Be Continued Sideboard, 2008. Polyuréthane. 80 x 60 x 100 cm.
— Julien Carretero, table, série Drag, 2009. Plâtre, porcelaine. 40 x 35 x 35 cm.
Raw-edges Design Studio
— Tailored Wood, 2008. Mousse de polyuréthane expansée. Fait main. Placage bois (bouleau, bambou, teck..). 70 x 160 cm.
Peter Marigold
— End Table, 2008. Fait main. Hêtre, laque noire, métal. 50 x 65 cm.

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