ART | CRITIQUE

New Song, O

PLaurent Perbos
@10 Jan 2009

Pour sa sixième exposition personnelle à la galerie Yvon Lambert, Koo Jeong-A présente une série de deux cents aquarelles posées au sol. Provenant du monde imaginaire d’Ouss, elles dessinent sous la grande verrière de la galerie un paysage de couleur, un microcosme très singulier.

Les deux cents aquarelles peintes sur différents formats se juxtaposent au sol et ne laissent que très peu de place à la déambulation. La pérégrination est délicate et l’installation semble précaire. Un moment d’inattention pourrait déranger cet assemblage fragile. Cependant l’équilibre instable est l’un des principaux aspects du travail de l’artiste.

Koo Jeong-A utilise souvent des restes de matières — sable, poudre ou poussière —, et crée des archipels sans lien les uns avec les autres. L’impossibilité de définir des cadres normés laisse surgir une poésie du «presque rien» et de l’aléatoire.

Groupés par couleur ou assemblés de manière plus aléatoire, les feuilles de papier exposées dans la galerie tracent dans le monde imaginaire et onirique d’Ouss des sentiers que nous devons emprunter la tête penchée vers le bas.

Les supports disséminés sous la grande verrière occupent l’espace de la pièce et dessinent au sol un paysage de couleur. Un planisphère étrange se déploie sous nos yeux et nous invite à explorer un microcosme très singulier.

Ici un minuscule bonhomme laissé en réserve sur la feuille se perd au milieu d’un bleu outremer appliqué rapidement au pinceau. Une étoile pourtant représentée à portée de ses mains reste inaccessible. La touche enlevée semble plonger le personnage dans un tourbillon sans fin. Ce Petit Prince d’un autre temps se retrouve perdu au milieu des autres protagonistes que Koo Jeong-A met en scène.

Tout aussi seul dans sa page un chien nous fait face et nous interroge du regard. Des acrobates nous tournent le dos et répètent un numéro de voltige. Un jeune homme descend un chemin qui peut-être ne mène nulle part. Tous ces moments suspendus, ces apologies du silence nous font vivre une expérience particulière du temps et de l’espace.

Un instant privilégié doit être accordé à chaque image pour s’imprégner de l’atmosphère qui s’en dégage. L’artiste convoque la patience du regard, la découverte minutieuse de l’infime, du détail. Pas de superflu, ces fragments d’univers nous ramènent au nécessaire, à l’essence même des choses. Dans une société qui consomme sans cesse avec rapidité et aliénation, Koo Jeong-A ouvre une parenthèse de tranquillité, une pause qui oblige à la lenteur.

 Des morceaux de bois façonnés comme des flûtes se dressent près de la sortie. Ces instruments muets renferment le son inexistant d’une musique inattendue, celle du calme et du silence qui se matérialise plastiquement dans l’espace d’exposition.

Å’uvres
— Koo Jeong-A, O, 2008. Aquarelle. 24 x 30 cm
— Koo Jeong-A, O, 2008. Aquarelle. 30 x 24 cm
— Koo Jeong-A, O, 2008. Aquarelle. 24 x 30 cm
— Koo Jeong-A, O, 2008. Aquarelle. 67,5 x 75,3 cm

 

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