ART | EXPO

Névralgies I. Carte blanche à Myriam Mihindou

06 Sep - 25 Oct 2014
Vernissage le 06 Sep 2014

L’artiste gabonaise Myriam Mihindou a réunit autour d’elle pour cette carte blanche des artistes qui réenchantent le monde en le restituant dans sa dimension humaine. L’exposition peut se regarder comme un psychodrame collectif. Une tentative d’exorciser les ondes mauvaises qui, au-delà du monde de l’art, nécrose la globalité contemporaine.

Omar Ba, Ronan Barrot, Kudzanai Chiurai, Damien Deroubaix, Ayana V Jackson, Miguel Marajo, Myriam Mihindou, Mega Mingiedi, Boris Nzebo, Berni Searle
Névralgies I
Carte blanche à Myriam Mihindou

Réenchanter le monde
Une carte blanche est à la fois une exposition collective et un projet personnel. L’artiste qui invite ne le fait qu’en fonction de ce que Goethe avait nommé les affinités électives. C’est-à-dire, en d’autres termes, que les artistes conviés le seront en fonction d’une contemporanéité qui, pour être élective, ne s’en concentrera pas moins sur le sens des œuvres et la démarche des artistes.

Ainsi, Myriam Mihoundou pourrait-elle dire de chacun des convives, untel, c’est moi, à l’instar de Flaubert parlant de madame Bovary. La comparaison s’arrête là. Si Flaubert est l’auteur, le concepteur de son héroïne, Myriam Mihindou n’est pas la conceptrice de toutes les œuvres qui vont être présentées. Elle en est le point central, le centre d’attractivité. Le point névralgique, en quelque sorte.

Quiconque connaît le travail de l’artiste gabonaise sait que ce qui l’intéresse n’est pas le paraître, le superficiel, mais l’alchimie intérieure qui fait les humains se mouvoir. Entre cosmogonie, psychologie et initiation, son œuvre se décline toujours entre le visible et l’indicible. Le dicible et l’indicible. Les artistes qu’elle a rassemblés travaillent tous, chacun avec son propre vocabulaire à cet avènement du sens que l’on ne peut pas percevoir sans une initiation particulière: initiation intellectuelle, sensorielle, esthétique, qu’importe le biais par lequel on parvient à condenser les différentes énergies qui surgissent, qu’importe le matériau que l’on choisit pour traduire ce chaos de sensations qui nous habite, pour reprendre une expression chère à Henri Delacroix.

La névralgie est une pathologie créée par l’inflammation d’un nerf. En termes plus clairs, elle correspond à un blocage. Un handicap qui affecte la motricité. Elle peut être envisagée comme le diagnostic d’une époque, d’un monde de l’art qui a perdu sa fluidité essentielle en donnant plus d’importance à l’apparence qu’à l’essence. Un constat que faisait déjà Pierre Restany au début des années soixante-dix, lorsqu’il faisait le bilan d’un monde de l’art qui s’était coupé de la vie et avait, par là même perdu l’une de ses fonctions essentielles.

L’exposition peut donc se regarder comme un psychodrame collectif. Une tentative d’exorciser les ondes mauvaises qui, au-delà du monde de l’art, nécrose la globalité contemporaine. Les artistes rassemblés par Myriam Mihindou ne sont pas de simples artistes: ce sont des guérisseurs. Des êtres qui nous invitent à rebrancher la machine à vivre ensemble. Ce fameux partage du sensible développé par Jacques Rancière, ou encore, ce que Ernst Bloch pour sa part nomma la question essentielle: la question, en soi, du Nous.

L’art peut-il encore avoir une quelconque influence sur nos vies? Peut-il nous permettre d’accéder à l’évidence des choses que l’on ne voit pas dont parlait James Baldwin? C’est ce à quoi nous invite ce collectif qui, puisant dans un savoir très ancien, un savoir que nous avons désappris, réenchante le monde en le restituant dans sa dimension humaine.

Simon Njami

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