Katrin Ströbel
Nebenan
S’identifiant comme voisine, Katrin Ströbel a choisi d’intituler son exposition: «Nebenan». Ce mot signifie à la fois «à coté» et «voisin(e)». Ce choix s’explique aussi par la proximité géographique des deux lieux d’exposition où l’artiste est invitée en ce début d’été à Dijon: la galerie Barnoud et l’appartement/galerie Interface.
L’oeuvre de Katrin Ströbel, basée sur l’observation et l’analyse des divergences culturelles, propose une traduction plastique de la capacité de tout élément signifiant (production culturelle, phrase, objet…) à générer de multiples interprétations selon le contexte dans lequel il est perçu et l’identité des personnes le percevant. Elle explique, à propos de la différence entre la vision africaine de l’Europe (sorte d’Eldorado) et celle européenne de l’Afrique (terre d’exotisme et d’archaïsme): la géographie sert d’écran sur lequel on projette autant de vérités que de clichés sur ce qui est inconnu chez l’autre.
Chacune de ses oeuvres est liée à un séjour effectué dans une ville qui lui est étrangère et développe une combinaison visuelle et/ou sonore de signifiants qui entretiennent habituellement des rapports d’éloignement, d’opposition voire de distinction dont elle brouille parfois la retranscription. In god we trust (2008) consiste, par exemple, en un billet de un dollars sur lequel la mention de la devise américaine est remplacée par sa traduction arabe.
Avec Der unbekannte Feind (L’ennemi inconnu) (2007), elle inclut une page du Coran imprimée à l’envers dans un exemplaire d’un grand journal allemand.
Durant sa résidence à Valence, en 2009, elle réalise Petite correction de mon environnement (Lepen/Leben): après avoir croisé en ville des graffiti acclamant l’homme politique d’extrême-droite, Le Pen, elle transforme son nom en «leben» (vivre) par une minime intervention.
Elle-même voyageuse de passage, vagabonde, Katrin Ströbel, se laissant porter au hasard des rues, part sur les traces du fugitif et du transitoire, comme le sac de plastique bleu balayé par le Mistral dans la vidéo Flâneur (2009).
Flâneuse elle aussi, elle note dans ses déambulations les événements fortuits et apparemment insignifiants sous forme d’esquisses fragmentaires, pour les inscrire ensuite dans un nouveau contexte sémantique. La réduction à l’essentiel, une propriété immanente au dessin, est pour l’artiste une condition idéale d’appropriation et de réflexion du donné. À travers l’acte contemplatif et méticuleux du dessin, elle fixe sur le papier des événements fugitifs, leur prêtant une attention qui confère à l’objet éphémère et marginal un autre sens.