ART | CRITIQUE

National monument

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

L’exposition de Guillaume Leblon est une sorte de parcours architectural à visiter dans une quasi-totale obscurité, ainsi qu’un bloc blanc, cubique et démesuré. Proposition pour autre œuvre qui reste à concevoir (peut-être un monument), destinée à s’inscrire quelque part dans Ivry.

Le titre National monument se donne de prime abord en anglais. L’effet vient de l’inversion usuelle des deux mots mais pas de l’orthographe. En fait, National monument se dit aussi en français. Ce simple renversement apparent des conventions pourrait suffire à donner le ton. De quoi s’agit-il? C’est bien la question qui se pose pour le visiteur. Et c’est également la question qui se pose pour l’artiste qui tente, ici, moins une réponse qu’une reformulation de la question. Et il n’y a en cela rien d’exceptionnel.

Que serait donc un monument national aujourd’hui? Pour y réfléchir, il conviendrait sans doute d’envisager le problème d’un point de vue presque extérieur au contexte où il se trouve posé (d’où l’anglicisme simulé), sous un angle et selon une approche détachés des contingences et connotations locales. Quelle forme aurait-il? Quelles dimensions aurait-il? De quelle force symbolique serait-il doté? De quelle mémoire, de quel hommage aurait-il la charge? Ces questions sont sans aucun doute celles qu’un artiste projetant de satisfaire une commande d’art monumental pour une ville, est amené à se poser.

Guillaume Leblon oriente la réflexion du côté du rapport espace / corps. Le visiteur est invité d’emblée à s’engouffrer dans un couloir étroit et sombre, pour ne pas dire parfaitement obscur. Le temps que ses yeux s’habituent à la pénombre, il parviendra à s’orienter prudemment, pas à pas. Au fond d’une première impasse, il découvre par une fenêtre ménagée à cet effet, la structure dans laquelle il vient de s’engager. Le lieu semble avoir été entièrement remodelé. Les espaces d’exposition sont effectivement occupés par cette sorte de structure déambulatoire invraisemblable, presque inquiétante. Une fois qu’il l’a compris, il lui reste à tenter courageusement de la traverser. L’expérience ne va pas sans risque. Escaliers, rampes, virages, etc. Claustrophobes s’abstenir ! Et pour les autres, sans lampe-torche, c’est de l’inconscience.

Une fois sorti d’affaire, qu’il réalise alors le chemin parcouru et la sorte d’exploit que cela représente, il se retrouve face à un énorme cube blanc emballé de toile humide. Il apprendra qu’il s’agit en fait d’un cube en contre-plaqué recouvert d’argile à modeler sur ses quatre côtés, le tout maintenu par une sorte de drapé régulièrement humidifié par des brumisateurs.

On comprend donc qu’il s’agit d’une expérience en deux temps: tout d’abord celle du vide et de l’obscurité, de la déambulation incertaine et désorientée dans un espace inexploré, et ensuite celle du plein et de la lumière, de la frontalité indépassable face à un objet perceptible mais indéchiffrable. Les principales composantes spatiales, sensorielles, signifiantes et sensibles du «monument» (telles que Guillaume Leblon se les figure, sans doute) se trouvent réunies ici sur un mode troublant et efficace. On se demande alors ce que nous réserve l’œuvre «monumentale».

Au niveau inférieur, l’exposition consacrée à Gaba et Pitz fait pâle figure. Cela ne vient ni des Å“uvres, ni des démarches mais sans doute du rapprochement inattendu et presque tiré par les cheveux (sans mauvais jeu de mots – les perruques de Gaba étant en cheveux synthétiques) entre deux projets (celui de Leblon et celui Gaba / Pitz) très différents de par les proportions, l’ambition et la teneur.

Guillaume Leblon
— National monument, 2006. Installation.

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