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Nathalie Sauvanet

Déléguée générale de l’Admical, chargée des relations internationales et de la formation, Nathalie Sauvanet détaille les modèles qui, à l’étranger, méritent de retenir l’attention dans l’évolution récente du mécénat en France.

Interview
Par Hélène Mugnier
Réalisée le 23 juin 2005

Hélène Mugnier. L’évolution récente du mécénat montre une remise en perspective profonde de ses enjeux et de ses modalités, en particulier dans le domaine artistique. Après avoir travaillé au sein du Cerec (Comité Européen pour le rapprochement de l’Économie et de la Culture), vous êtes aujourd’hui adjointe auprès de la Déléguée générale de l’Admical, chargée (entre autres) des relations à l’international et de la formation. Quels sont les modèles à l’étranger qui vous semblent les plus intéressants par rapport à ce qui se passe en France ?
Nathalie Sauvanet. Il est indéniable que les pays du Nord de l’Europe présentent une avance notoire dans la pratique des échanges entre les mondes culturel et économique mais les exemples sont très divers, selon les traditions nationales, c’est ce qui est intéressant d’ailleurs pour en tirer des leçons opérantes. En Angleterre par exemple, où la plupart des musées sont des charities, le financement privé de la culture est un acquis ancien.
Contrairement à la France qui a cultivé un monopole étatique encore prégnant, il y existe des relais très moteurs comme Arts & Business, qui est un peu l’équivalent de l’Admical, chargé de redistribuer les fonds de la Loterie Nationale à des projets d’organismes déjà associés à des entreprises. Les organismes eux-mêmes sont très actifs ainsi la Royal Shakespeare Company, compagnie de théâtre, a été l’un des premiers à mettre en place des formations intra-entreprises. Ces organismes se posent en catalyseurs d’initiatives privées en faveur de l’art. En contrepartie, elles proposent aux entreprises des prestations de management et de conseil pour les accompagner dans l’utilisation du vecteur artistique. On va déjà bien au-delà de la simple association d’image et de la stratégie de communication. En Suède, l’introduction de l’art au travail s’est (en partie) faite pour remobiliser les salariés et répondre à une problématique d’absentéisme. Une logique qui relevait plutôt des ressources humaines en quelque sorte !
Le gouvernement danois a de pris de lui-même l’initiative de la création d’une association de développement du mécénat, le Nyx Forum. L’idée était la suivante : la force de l’économie danoise repose essentiellement sur l’innovation (ex Nokia), c’est-à-dire la créativité. Le parallèle avec l’art et la culture s’est imposé naturellement comme un moyen de valoriser l’économie nationale et de mobiliser ses entrepreneurs.
En Allemagne, ce sont au contraire les entreprises, en particulier bancaires, qui ont pris l’initiative avec des exemples de collections spectaculaires telle celle de la Deutsche Bank.

Qu’en est-il des pays d’Europe de l’Est, nouvellement intégrés à l’Union européenne ? Après des décennies d’abandon culturel, comment gèrent-ils l’accueil de flux touristiques croissants ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces pays développent beaucoup plus spontanément que nous des partenariats public/privé. Tout simplement parce que l’État n’a pas les moyens d’entretenir et développer les infrastructures culturelles sans l’appui des entreprises. Le marché touristique y est un puissant moteur économique. Les entreprises s’y intéressent donc de près tandis que les institutions culturelles y sont, par nécessité, très ouvertes à la négociation de contreparties. Une forme de cynisme finalement explique cette maturité accélérée en matière de collaboration avec l’entreprise.
L’Observatoire de Budapest, très soutenu par les programmes des Nations Unies de l’Union et du Conseil de l’Europe, ou le CultureLink à Zagreb, témoignent du développement des partenariats art-entreprises. Le problème dans ces pays reste le manque de professionnalisation du secteur. Le principal chantier reste donc encore la mise en place de formations au management culturel.

Vous insistez à juste titre sur le modèle nordique. La Caixa, à Barcelone, ou Olivetti Tecnost à Milan sont pourtant des acteurs puissants de la vie artistique. Quelle spécificité caractérise ces pays méditerranéens ?
Qu’il s’agisse de l’Espagne, de l’Italie ou encore du Portugal, il est vrai que la dynamique art-entreprise est très forte, à des niveaux sensiblement différents cependant. En Espagne, les fondations d’entreprise bénéficiaient d’une facilité d’e création et sont donc puissantes et nombreuses. Leur fragilité repose sur un financement par actions au capital des entreprises. Elles sont par conséquent très dépendantes des aléas du marché boursier et de l’activité économique. L’Italie, dont le patrimoine culturel est omniprésent, a tôt développé le mariage art-entreprise. Ce qui est intéressant, c’est aussi d’y observer l’utilisation de l’art contemporain et non seulement de l’art du passé. Si les entreprises italiennes développent naturellement des déclinaisons de communication externe, de marketing, de RP, à partir de leurs actions artistiques, elles sont encore peu impliquées dans le domaine du management et des ressources humaines, un potentiel pourtant fort.

L’Admical a beaucoup mis en exergue le retard français en matière de mécénat. La tradition du monopole étatique de la culture explique en grande partie les réticences des entreprises, mêlé à des réserves culturelles d’ordre «éthiques» à conjuguer l’art avec l’argent. N’avons-nous donc aucun modèle à proposer ? Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Il est clair que si l’on compare le poids des budgets privés engagés dans la culture par rapport au PIB, la France reste à la traîne de ses voisins, en particulier d’Europe du Nord. D’énormes progrès ont été faits grâce en particulier à des aménagements législatifs. La loi Aillagon du 1er août 2003 a marqué une étape importante avec le doublement des avantages fiscaux pour les entreprises mécènes, la simplification de création des fondations d’entreprises et des améliorations de la loirelative aux musées de France du 4 janvier 2002 favorisant l’achat de Trésors Nationaux par les entreprises. Les résultats ne se sont d’ailleurs pas fait attendre puisque, depuis, Carrefour, Axa, Pernod-Ricard entre autres ont permis l’acquisition de quelques trésors pour les musées nationaux. Par ailleurs, la notation sociétale (hors cotation boursière) des entreprises qui inclut leur action en faveur de la Responsabilité sociale d’entreprise et du Développement durable, est assez en avance en France. Les entreprises cotées ont en effet l’obligation depuis 2001 de rendre compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités économiques dans leur rapport annuel. Le mécénat, qui rentre dans ces actions, trouve en ce sens une valorisation nouvelle, motivante pour les entreprises.

De ce panorama européen se dégagent de grandes disparités de fonctionnement et de financement de la culture. Quels sont les relais au niveau européen ?
Ils restent encore limités dans la mesure où la politique culturelle de l’Union européenne n’est pas vraiment une priorité par rapport à la mise en place de la Constitution ou de politiques économiques et sociales. Ceci dit, des réseaux internes entre les pays se sont mis en place depuis une dizaine d’années. L’Admical est en relation étroite avec tous ses équivalents dans les pays européens. J’assure au sein de l’association une fonction de veille informative en quelque sorte. Le Cerec en particulier réunit au moins une fois par an les responsables de clubs d’entreprises mécènes, diffuse auprès de ce réseau une newsletter trimestrielle et est membre de nombreux réseaux culturels. Il s’agit d’un relais d’informations essentiel même si son pouvoir d’intervention et de lobbying est trop restreint à ce jour.
Relais Culture Europe est le point d’informations français sur les politiques communes d’un réseau mis en place par la Commission européenne en 2000. L’Accr rassemble les centres culturels et monuments historiques européens. Il existe encore l’Efah (European Forum for the Arts and Heritage), l’Ietm (Informal European Theater Meetings), etc. Bref les initiatives se multiplient pour valoriser la cohérence et la force de l’Europe culturelle, c’est vrai, mais elles restent encore très segmentées et dispersées.

Admical (carrefour du mécénat d’entreprise)
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