Céramiste, Nathalie Domingo donne à la porcelaine des élans organiques. Travaillant notamment par filaments, elle ouvrage la matière jusqu’aux limites. Cuite, recuite, et encore recuite, la porcelaine acquiert une singularité, une personnalité, étonnante. Pour sa première exposition à la Granville Gallery, Nathalie Domingo présente ainsi « Terrain de Je ». Un titre qui annonce les couleurs : celles de la variation, du jamais-tout-à -fait-pareil, jamais-tout-à -fait-autre, avec ce je-ne-sais-quoi d’indéfinissable qui fait le magnétisme du déictique grammatical « je ». Notamment inspirée par Pierre Soulages pour les profondeurs de noirs, Ousmane Sow pour la radiance de la terre et Andy Goldsworthy pour l’ingéniosité des assemblages naturels, Nathalie Domingo cultive une céramique virtuose. Travaillant à la poire à engobe, de façon presque pâtissière, elle déroule des filaments de porcelaine qui viennent s’amonceler. Telle une chevelure tantôt soyeuse, tantôt entrelacée.
« Terrain du Je » : exposition personnelle de Nathalie Domingo à la Granville Gallery
Concentrée sur le geste, le souffle, la position de son corps ; happée par la précision que demande sa création, Nathalie Domingo peut alors vagabonder, en corps à corps avec ses œuvres. L’exposition « Terrain de Je » réunit ainsi des pièces toutes plus fines et fascinantes les unes que les autres. Il y a des coupes et coupelles qui s’inscrivent dans le prolongement de la série des coupes Echo (2005). Soient trois grandes coupes en filaments de porcelaine, agrémentées de matières minérales. Un hommage à la mortelle Echo, amoureuse éconduite de Narcisse, qui finit par se désagréger de chagrin. La série des trois coupes Echo marque ainsi les étapes de fossilisation du corps de la métamorphosée. Le triptyque aura valu à Nathalie Domingo d’être lauréate de la Biennale Internationale de Kapfenberg (2005). Entre le minéral et le vivant, comme le corail, la porcelaine de Nathalie Domingo déborde ainsi ses fonctions.
Les porcelaines de la céramistes Nathalie Domingo : une poétique de la matière
Amorcée en 2008 avec les Dream Catcher, la série des panneaux muraux relève presque du charbon. Du bois brûlé jusqu’à la craquelure du charbon. Filaments de porcelaine étirés, patiemment, en surfaces épaisses, Nathalie Domingo intervient ensuite en déstructurant-restructurant ce mycélium. Au doigt, au couteau… D’autres empreintes apparaissent. La porcelaine est ensuite cuite et recuite, libérant à son tour de possibles fissures. À la lisière du Dripping, chaque pièce est unique, à l’écart de toute narration, au plus près de la matière. Abstraite de même, mais pas sans histoire non plus, la série On the Road (initiée en 2015) laisse apparaître de fines excroissances de porcelaine, comme de jeunes pousses. Sur son site, Nathalie Domingo passe par l’analogie visuelle. Celle d’une colonne avançant sur une route, au milieu des champs. Photo aérienne, cela évoque presque les cyclistes du Tour de France. Mais ce sont des migrants, et personne ne les attend.
Métamorphosant ainsi le travail de la porcelaine en étonnement contemplatif, Nathalie Domingo livre des œuvres fines et intenses. À découvrir jusqu’à la fin du mois, à la Granville Gallery.