Gilles Aillaud, Karel Appel, René Bertholo, Jean-Charles Blais, François Boisrond, Nina Childress, Robert Combas, Coopérative des Malassis, Guillaume Corneille, Henri Cueco, Hervé Di Rosa, Martin Disler, Equipo Cronica, Erro, Gérard Fromanger, Gérard Garouste, Fabrice Hyber, Alain Jacquet, Louis Jammes, Peter Klasen, Tetsumi Kudo, Loïc Le Groumellec, Jacques Monory, Michel Parré, Ramon, Martial Raysse, Paul Rebeyrolle, Antonio Recalcati, Gérard Schlosser, Peter Stampfli, Hervé Télémaque, Gérard Tisserand, Roland Topor
Narrative, critique, libre…
Après avoir abordé les relations entre la peinture et la photographie, puis l’évolution de l’art géométrique abstrait, le FRAC Limousin poursuit son investigation dans le domaine pictural en s’intéressant à l’évolution de la peinture figurative, notamment en France, des années 1960 aux années 1980, à partir des collections du FRAC et de l’Artothèque du Limousin.
Il s’agit de proposer au public, notamment aux jeunes générations, une relecture iconographique de cette période pour comprendre en quoi un certain nombre d’artistes se sont intéressés aux images—interroger leurs sources, apprécier leurs méthodes de manipulation et de détournement—et de poser la question de leur réponse individuelle ou collective à un contexte médiatique en augmentation mais pas encore aussi saturé qu’aujourd’hui.
En France, un nouveau courant pictural apparaît au milieu des années soixante, en réaction à la situation générale de la scène artistique largement dominée depuis l’après guerre par la peinture abstraite. D’abord nommée Nouvelle Figuration puis Figuration Critique, cette tendance s’affirme lors de l’exposition «Mythologies Quotidiennes» (1964, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris) organisée par les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque avec le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot. Elle prendra ensuite l’appellation de Figuration Narrative en 1967, sous la plume du même critique qui la définit ainsi:«Est narrative toute oeuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de récit…». Travaillant à partir de l’image photographique ou cinématographique, de l’imagerie publicitaire, du roman-photo, de la bande dessinée, les artistes détournent les significations de ces représentations pour en révéler des sens inattendus, suggérer d’autres narrations, montrer leurs implications politiques.
Au début des années 1980, un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, une nouvelle génération de peintres s’impose dans les galeries et les musées à travers des expositions importantes et très médiatisées. Durant l’été 1981, l’artiste Ben invite Robert Combas et Hervé Di Rosa à exposer dans sa galerie de Nice et lance l’appellation «figuration libre». Combas en parle ainsi:«Pour moi, une toile peut être influencée par des publicistes naïfs africains, par l’illustration de livres d’école primaire, mélangée à Picasso ou à Miro ou alors, un dessin genre BD, plus des fausses écritures arabes, plus une peinture brute, très Dubuffet ou COBRA. La figuration libre est une peinture qui ne renie pas ses instincts primitifs et une volonté de culture. Comme Jules Verne, sans sortir de chez moi, je suis allé à Tombouctou.».
Au-delà des regroupements formulés par les critiques d’art relayés par des appellations plus «commerciales», une sorte de «valse des étiquettes», il paraît intéressant de se replonger aujourd’hui au coeur des oeuvres conçues par ces artistes pour proposer une relecture attentive à l’évolution des mythologies des années soixante aux années quatre-vingt. Durant ce laps de temps, le quotidien a changé, la vision des artistes aussi. Certains thèmes demeurent (l’argent, le pouvoir, la violence, la guerre, la religion, l’amour sont des thèmes (éternels) très présents dans l’exposition), la façon de les aborder peut évoluer; on remarquera ainsi la présence fréquente des animaux, de la meute de Cueco au lézard d’Aillaud, ou aux lapins jaunes de Combas, comme métaphore de la condition humaine.
Organisée à rebours, l’exposition présente d’abord les oeuvres des années 80 puis remonte le temps jusqu’aux années soixante, permettant un éclairage approfondi sur cette période. Elle permet les rapprochements thématiques et stylistiques (les façons de peindre).
Y. Miloux