Le spectacle de danse contemporaine Tapis rouge, de Nadia Beugré, a d’abord vu le jour en 2014, au festival d’Avignon. Cette première version impliquait alors la chorégraphe ivoirienne Nadia Beugré et le guitariste performeur français Seb Martel. Depuis lors, Tapis rouge s’est étoffé, devenant une pièce pour trois à quatre interprètes. Une densification qui coïncide avec le propos fortement engagé de sa chorégraphe. Tapis rouge, c’est l’histoire de deux mondes qui ne se rencontrent pas. Sous les pieds des puissants sont déroulés des tapis rouges : un cérémonial occidental venu d’une tradition ecclésiale impliquant la pourpre et l’or. Aux impuissants, aux exploités : la terre, à creuser. Les mines d’or et de matières premières, en Afrique ou ailleurs ; les conditions de travail, encore plus désastreuses pour les femmes et les enfants. Et entre les pieds des puissants et la poussière des exploités : un tapis rouge, pour éviter toute contamination.
Tapis rouge de Nadia Beugré : la danse pour s’engager et désengager les corps exploités
Interprété par Nadia Beugré, Seb Martel et Adonis Nebié, avec la présence d’Aurélien Menu, Tapis rouge conjugue horizons et influences. L’important, dans le travail de Nadia Beugré, n’est pas tant l’exactitude technique du mouvement dansé que la vérité, l’intégrité du propos. Dans Tapis rouge, la vérité exposée est celle de l’exploitation des travailleurs. Une réalité dont Nadia Beugré s’est emparée à la suite d’un voyage au Burkina Faso. Interpellée par des cicatrices sur le corps des femmes d’un village, elle apprend alors qu’il s’agit d’une technique d’orpaillage. Sans outil ni matériel autre que leur corps pour travailler dans les mines d’or, ces femmes ont mis au point une méthode consistant à faire couler leur sang pour aider l’or à remonter en surface. Tapis rouge, c’est aussi la trace de ces scarifications.
La création collective pour remodeler les rapports de production
Cultivant une danse contemporaine cosmopolite et engagée, Nadia Beugré multiplie les associations fécondes. Seydou Boro, Alain Buffard, Dorothée Munyaneza, Boris Charmatz… Autant de chorégraphes avec qui Nadia Beugré a déjà travaillé. Soit une manière de créer inclusive, à même de déjouer les cloisonnements contemporains ou la formation de tapis rouges. Si le spectacle s’est constitué en 2014 autour de deux personnes, en 2017, à la façon d’un village qui se peuple sans changer de nom, Tapis rouge s’est agrandi. Une géographie en expansion qui accueille dorénavant deux interprètes de plus, à savoir le danseur Adonis Nebié, et le technicien plateau Aurélien Menu. Toujours présent sur scène, Aurélien Menu incarne ainsi une forme de chÅ“ur témoin silencieux. En fabriquant, par exemple, des briques sur scène. Et en modifiant les rapports entre danseurs, chorégraphes, techniciens et musiciens, Nadia Beugré construit ainsi une cohérence intègre, entre propos et méthode.