Peintre de la nature et de la géométrie, Nabil Nahas travaille avec un plan précis. Les toiles qu’il livre sont à la fois rigoureuses et luxuriantes. Attaché à rendre compte d’un univers en mutation, il n’en oublie pas moins que le monde est régi par des règles bien déterminées. A l’agencement anarchique il préfère le chaos ordonné. Le désordre et l’entropie ne sont pas de mise chez lui. Depuis plusieurs années il utilise comme modèle des formes géométriques tirées de la biosphère.
Sa démarche est très claire, il suffit de regarder les œuvres de la fin des années 1970 pour comprendre sa trajectoire. Ces grandes toiles géométriques annoncent déjà ce que nous pouvons voir à la galerie Xippas. Comme beaucoup d’artistes, le peintre est intéressé par la multiplication d’un motif unique. A partir d’une base toujours identique, mais en l’ajoutant à l’infini, il obtient un résultat saturé. La toile est construite en même temps qu’elle est innondée d’un même signe. Ce dernier devient symbolique et optique.
Cette façon de procéder est bien connue de tout un courant artistique utilisant le fractal comme modèle. Appliquée en art, cette géométrie en spirale et en miroir permet de composer des œuvres raisonnables et complètement folles à la fois.
Très léchées ces œuvres permettent d’élaborer un discours scientifique sur une réalité prenant les formes les plus flottantes. Peindre de cette façon, en s’aidant pourquoi pas d’un ordinateur, revient à créer à l’aide d’un programme.
Le fractal est la donnée de base de toute une génération de peintres abstraits. Cette théorie qui permet d’ordonner le chaos est un instrument dont se sont emparés les artistes. D’une certaine façon, elle est à rapprocher de la « déconstruction » en architecture.
Bien que le concept ait été fondé en philosophie par Derrida, les architectes se sont emparés de la formule et de son principe pour ériger des immeubles en forme de tour de Pise. Le musée Guggenheim de Bilbao de Gehry, le Musée juif de Berlin de Libeskind, sont inspirés par cette idée.
Pour avancer les artistes ont besoin d’un guide, d’un programme. Le fractal peut jouer ce rôle en tant que pensée visible en géométrie, en architecture et en peinture.
Cette façon de procéder semble avoir été celle de Robert Smithson dans les années soixante avec le concept d’« entropie ». Que ce soit dans la banlieue de New York ou dans le désert américain, cette manière d’ordonner le chaos a été un canevas qu’il a toujours utilisé dans son œuvre.
Les premières toiles de Nabil Nahas permettent de penser qu’il y a vingt ans sa peinture était déjà imprégnée par la problématique du fractal.
Les toiles présentées à la galerie Xippas travaillent la théorie en profondeur et le pigment en surface. Les châssis sont saturés d’étoiles de mer posées à même la toile. Peinte à la poudre colorés, ces compositions en branche provoquent des effets visuels mouvants. Le regard se perd dans ces ondulations de formes se répondant et se touchant.
Mais à l’opposé d’une expérience cérébrale, le contact avec les tableaux est pleinement concret et physique. L’univers qui s’en dégage est pris entre microcosme et macrocosme. Visuellement le résultat se situe entre la peinture de l’informe et les Nymphéas de Monet.
Nabil Nahas
— Sans titre, 2005. Pierre ponce et acrylique sur toile. 25,5 x 20 cm.
— Sans titre, 2005. Pierre ponce et acrylique sur toile. 25,5 x 20 cm.
— Sans titre, 2003. Pierre ponce et acrylique sur toile. 83,5 x 71,5 cm.
— Equinox II, 2000. Pierre ponce et acrylique sur toile. 152 x 122 cm.