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N à Y, from End to Why

Ce n’est pas tant le paysage urbain qui intéresse Serge Clément que ses détails: l’accumulation de formes trouvées au hasard d’une rue, une vitrine où se reflète l’architecture d’une façade, la rencontre insolite de l’ombre et la lumière sur la structure en brique d’un mur.

Si l’exposition de la galerie Le Réverbère ne déroge pas à cette règle, elle se concentre cependant sur une seule ville, New York. Cela est dû à l’obtention d’une résidence de six mois dans la métropole américaine, offerte par le gouvernement canadien.

Difficile cependant de reconnaître dans les images exposées la silhouette familière de New-York. Serge Clément a préféré se concentrer sur la pointe sud de la ville, en bas de la XIVe avenue et s’attacher à l’architecture des années 20 et 30. Des références historiques début du XXe siècle «qui font écho aux développements parallèles de la ville new-yorkaise et de la photographie, effervescence des mouvements artistiques».
Ces mouvements artistiques — Bauhaus, Surréalisme, Dadaïsme — sont complètement absorbés dans ses photographies, qui frôlent l’abstraction, la dérive poétique au mépris de la réalité.

Pour obtenir ce résultat sans jamais mettre en scène son sujet, Serge Clément s’est transformé en promeneur attentif, six mois à «marcher la ville», comme il le dit. Appareil en main, il débusque l’inattendu au fil de la lumière. Son regard est capable de dénicher les effets miroirs, les profondeurs de champ. Avec lui, une vitrine se fait matière, élément de spectacle comme dans Mire, cette photographie où les plans se confondent pour obtenir des strates de formes, où apparaissent la silhouette d’un homme devenu bossu par la déformation de la vitre, la vue d’un intérieur où se dessine une sculpture abstraite, la rue qui vient se mélanger à l’ensemble et enfin, dans un petit carré suspendu en l’air, un homme en format réduit et étonnamment net. C’est un peu comme un jeu de piste pour deviner la place de l’appareil photo dans cette imbrication de réel et de reflet.

River dans sa simplicité fonctionne dans le même registre. La buée d’une vitre suffit à capter la ville comme une ombre impressionniste. Dans New Amst, ce sont les dessins blancs sur la devanture d’un magasin qui s’incrustent sur une façade. Pour Coakroach, des affiches déchirées laissant entrevoir un fragile visage de femme.

Serge Clément débusque dans la réalité les moments un peu magiques où la lumière s’amuse en d’innombrables propositions abstraites ou surréalistes. C’est le cas de Rebord. Ici encore, on ne sait plus s’il est dedans ou dehors, le sol du plancher venant rencontrer le bitume du trottoir et dans ces mondes télescopés les pieds chaussés de noir d’un piéton semblent avoir quitté son corps pour se promener entre ciel et terre, faisant voler en éclat notre sens de la perception.

Les photographies de Serge Clément ne sacrifient pourtant jamais au spectaculaire, l’utilisation du noir et blanc impose une certaine distance, une rigueur qui permet au regard de pénétrer dans le cadre et de se perdre dans l’image, d’aller vers ces détails qui compose le travail de Serge Clément.

— Serge Clément, Mire. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, New Amst. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, Canvas. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, Néo. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, Coakroach. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, Féro. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, Rebord. Photographie noir et blanc
— Serge Clément, River. Photographie noir et blanc