En avril 2019, la chorégraphe Myriam Gourfink a présenté la performance chorégraphique Glissement d’infini (2019) au Centre Pompidou. Soit une performance de quatre heures environ, interprétée par cinq danseuses. À savoir Carole Garriga, Myriam Gourfink, Deborah Lary, Azusa Takeuchi et Véronique Weil. Et ce, sur une création sonore de Kasper T. Toeplitz ; compositeur contemporain affilié à l’électro, l’ambiant et la noise. Avec Glissements (2019), c’est une nouvelle performance, dans la continuité, que déploiera Myriam Gourfink. Pièce de trente minutes, conçues pour le Musée de l’Orangerie à Paris, et plus spécifiquement pour les salles des Nymphéas (de Claude Monet), Glissements sera interprétée par quatre danseuses. Les mêmes que pour Glissement d’infini, mais sans Myriam Gourfink. Toujours, par contre, avec Kasper T. Toeplitz — avec qui Myriam Gourfink travaille depuis, au moins, 1999. Jouant sur les modulations et transformations, la transition entre Glissement d’infini et Glissements fait ainsi partie de l’ensemble du projet.
Glissements de Myriam Gourfink : une performance chorégraphique
Parlant de son enfance, Myriam Gourfink évoque l’une de ses grands-mères, conteuse, qui ne racontait jamais la même histoire. Et comment, avec elle, elle a appris à être au temps. « Si elle avait trois ou quatre heures le mercredi après-midi, on partait avec elle, mes sÅ“urs et moi, avec nos goûters à travers champs et on rentrait à la maison quand l’histoire était finie. Ainsi ma mère ne savait jamais quand nous allions rentrer ». Cette expérience, très incarnée, c’est aussi un peu ce à quoi convie Glissements, en se déployant dans les salles des Nymphéas de l’Orangerie. Le temps muséal, spécifiquement celui des salles exposant les toiles les plus célèbres ; celles qui font que des personnes sont prêtes à faire le tour du monde pour venir les voir ; ce temps-là est ultra-quadrillé. Tout est conçu pour homogénéiser et fluidifier la circulation.
Re-Découvrir les Nymphéas de Claude Monet avec la danse de Myriam Gourfink
Court-circuit dans ce temps rationalisé de l’émotion esthétique, Glissements invite les publics à un autre rapport. Aussi bien à la danse, au musée, qu’à la peinture de Claude Monet. Serpentinement lente, tout en glissandos et ondulations au sol, la pièce renoue avec la physicalité de l’Impressionnisme. Un courant pictural notamment basé sur les travaux du chimiste Michel-Eugène Chevreul (loi des contrastes simultanés). Avec l’Impressionnisme, c’est la subjectivité des perceptions colorées qui explose. Car l’impression de percevoir telle ou telle couleur, dans le système optico-cérébral humain, dépend surtout des couleurs avoisinantes. Comme le montre clairement l’image de l’échiquier d’Adelson. Cette physicalité de la peinture impressionniste, Myriam Gourfink la frotte aux nappes sonores tantôt neigeuses, tantôt rugueuses de Kasper T. Toeplitz. Tandis que la danse se fait coulure, recherche d’un passage, ou d’une rupture entre le discret et le continu.
De la notation Laban aux Glissements : éprouver le discret et le continu
Formée à la notation Laban — système de transcription du mouvement développé par Rudolf Laban au début du XXe siècle —, Myriam Gourfink explore ici la physicalité de la danse. Sa densité, sa durée, sa présence en live. Et investissant les salles des Nymphéas, elle invite en quelque sorte les publics à s’immerger dans une expérience esthétique en prise direct avec leurs sens. Par une attention accrue à la perception des couleurs, des contrastes, des sons, des mouvement, des températures…
À découvrir au Musée de l’Orangerie, dans le cadre du Festival d’Automne 2019.