Dans la troisième salle du Centre, conjointement avec les expositions de Claire-Jeanne Jézéquel et de David Renaud, Franck Lamy a réuni les œuvres de plusieurs artistes qui tous travaillent avec les images proliférantes qui habitent le monde, et participent à la confusion entre réel et fiction. Mais là où le Pop Art en rajoutait, et portait à sa quintessence le triomphe des médias et de l’artifice, les artistes d’aujourd’hui en nourrissent leurs univers personnels pour proposer à leur tour des amorces de narration, ou des illusions de fiction.
Ainsi Pierre-Jean Giloux projette un film en images de synthèse, à l’esthétique proche des jeux vidéos, dont l’histoire se nourrit d’une légende inuit, et de ses propres fantasmes. Un monochrome bleu Monory se brise tel un miroir, en fragments d’images imbriquées, clichés hétérogènes tout droit sortis de polars, et de films américains de série B, tel un kaléidoscope d’indices, pour une reconstitution hypothétique de la vie d’un personnage, qui l’est tout autant. Si Jacques Monory projette sur sa toile des photographies dont il retranscrit fidèlement la transparence visuelle, Régine Kolle parodie, dans une peinture pâteuse et dissonante, une iconographie éclectique (photos de vacances, manga, etc.) : images multiples, qu’elle métamorphose ironiquement en croûtes uniques.
Pour Stéphane Magnin, l’œuvre se doit d’être indéfiniment reproductible. Ici, elle invite subrepticement à s’inquiéter de la façon dont les émanations atmosphériques de toutes sortes (gaz, virus, ou nuages nucléaires) se répandent à la surface du globe. Nathalie Talec, quant à elle, passe à la télé, deux fois plutôt qu’une : sur deux moniteurs accolés, elle apparaît, le visage tourné vers l’intérieur de ce dispositif, dans un effet de miroir, mais, sur l’un, en blonde, et, sur l’autre, en brune. De faux yeux bleus en papier, collés sur les paupières closes, y fixent un regard hypnotisant de marionnette. Les interférences des deux voix, qui débitent chacune un récit, semblable mais différent, à mi-chemin entre le conte et le rêve, ouvrent des brèches vers une fiction qui, tour à tour, le dépasse ou l’annule. Le clou de ces recyclages d’artifices pourraient bien être les sculptures de Matt Franks, qui ressemblent à de gros jouets en guimauve, hybrides ou mutants, qui auraient mal digéré l’héritage des comics, ou tenteraient une synthèse grotesque des distorsions voluptueuses d’un Henry Moore, et de la vacuité clinquante du pop. Â
Matthew Franks
— Dying Forms, 2002. Styrofoam, résine epoxy, plastazote. 77,5 x 162 x 104 cm.
— Bellicose Sentinel, 2001. Styrofoam, aluminium, plastique, plastazote, acier, colle. 183 x 122 cm.
Pierre-Jean Giloux
— Nirrivik, This World Today is a mess, mars 2002. Vidéo projection numérique, 8 mn 45 s.
Régine Kolle
— The Leaving Girl, 2001. Huile sur toile. 180 x 170 cm.
— Kai-y, 2001. Huile sur toile. 57 x 57 cm.
— Venice Palace, 2001. Huile sur toile. 30 x 40 cm.
— The Small Yellow, 2001. Huile sur toile. 40 x 50 cm.
— Garage, 2001. Huile sur toile. 40 x 60 cm.
— Park, 2001. Huile sur toile. 180 x 130 cm.
Stéphane Magnin
— Siècle 21 et des poussières.
Vider un spray dans un espace choisi. En une semaine, les molécules contenues dans le spray couvriront la France entièrement, dans un mois la moitié de la surface terrestre.
Un spray vidé au Crédac, le 27.03.02 à 17h 30 GMT (menthe).
Un spray vidé à Cap d’Ail, le 27.03.02 à 17h 30 GMT (vanille) par Marie-Eve Mestre.
Cf. carte des vents du 27.03.02 au 02.06.02.
Édition illimitée pour le jeu de la guerre
1990 Nice/1999 Tokyo/2002 Ivry.
Jacques Monory
— Spéciale n°8, la vie imaginaire de Jonq’Erouas Cym, 2001. Huile sur toile, 450 x 170 cm.
Nathalie Talec
— Perlette la blonde, Perlette la brune, 1997. Deux bandes vidéo, couleur, son. 3 mn 30 s en boucle.