Etrangeté dans la banalité, c’est ainsi qu’on pourrait qualifier l’art de Patrick Guns. Puisant au plus profond de ce qui constitue notre culture cultivée, l’artiste manipule les symboles et amène une réflexion sur notre civilisation en travaillant sur les conflits de sens.
Au premier abord, que voit-on dans l’exposition « My last meals » ? Des photographies reposant sur un dispositif très simple divisant la surface en deux parties : à gauche, un texte noir sur fond blanc à la typographie variable décrit les aliments d’un repas et à droite, une photographie présente un cuisinier nous montrant sa réalisation du ou des plats mentionnés dans le texte. Sans véritables qualités esthétiques, ces clichés font référence à un acte créateur en cuisine qui trouve son point final dans la présentation par le chef de l’accomplissement de son interprétation du plat.
Ce dispositif prend une signification bien particulière lorsqu’on sait que ce projet est né de la lecture par l’artiste de la liste des derniers repas des condamnés à mort publiée sur le site Internet du département de la justice texane. Reprenant ces dernières volontés, Patrick Guns a demandé à des chefs étoilés qui sont, comme lui, opposés à la peine de mort, d’interpréter ces désirs et ainsi de rendre hommage à ces hommes en relevant cette part d’humanité patente qui se traduit dans la cuisine et la gastronomie.
Le cadrage en pied sur le chef met en évidence le sujet, l’humain, qui s’impose comme une personne qui s’adresse au regardeur et fait acte de don, en lui présentant l’assiette qu’il a confectionnée. Tous nous fixent, certains esquissent même un sourire. Le repas étant finalement secondaire puisque l’on ne distingue pas toujours bien ce qu’il y a dans les assiettes. La banalité de l’univers des cuisines, de l’uniforme tablier blanc, l’aspect froid et aseptisé du carrelage aux murs et aux sols, participent du malaise engendré par la situation. A l’anonymat des cuisines, répond l’anonymat des prisons. Il n’y a que l’homme, généreux dans son attitude, qui prend le parti de la vie.
Même si dans cette série, ce n’est plus l’ironie et l’humour noir qui dominent, affleure toujours le drame humain derrière la mise en scène où texte et images s’entrechoquent pour faire naître un acte artistique et humaniste, à la mémoire des condamnés à mort du Texas.
Pour mettre en résonance l’ensemble photographique, l’artiste a intégré à l’exposition trois dessins au crayon reproduisant des extraits de textes philosophiques dont il a barré l’ensemble en laissant visible une petite partie. Ces fragments qui nous sautent aux yeux livrent l’esprit qui anime cette série, ils posent une question : « Existe-t-il une philosophie de la nutrition ? », et prennent des positions : « le cuisinier artiste est avant tout un homme », « … ainsi est née la gastronomie politique ».    Â
Patrick Guns
— Jaime Elizalde Jr. – Texas – Jan.31, 2006. Freddy Vandecasserie – Brussels
March 17, 2007. C-print sur papier Fuji Crystal Archives satiné. 72,5 x 125 cm
— James Collier – Texas – Dec.11, 2002. Geert Van Hecke – Brugge – May 4, 2007. 5 x 125 cm
— Hastings Arthur Wise – South Carolina – Nov.4, 2005 /Peter Goossens – Kruishoutem – May 10, 2007. C-print sur papier Fuji Crystal Archives satiné. 72,5 x 125 cm
— Larry Hayes – Texas – September 10, 2003. Patricia Desmedt – Waregem – Nov 27, 2007. C-print sur papier Fuji Crystal Archives satiné. 72,5 x 125 cm
— Paul Kreutzer – Missouri – April 10, 2002. Guy Martin – Paris – Nov 20, 2007. C-print sur papier Fuji Crystal Archives satin. 72,5 x 125 cm
— Ernst Basden – North Carolina – December 6, 2002. Eyvind Hellstrom – Oslo – Nov 16, 2007. C-print sur papier Fuji Crystal Archives satiné. 72,5 x 125 cm
— Christopher Swift – Texas – January 30, 2007. Pierrick Guilloux – Schouweiler – Nov 22, 2007 . C-print sur papier Fuji Crystal Archives satiné,2007. 72,5 x 125 cm Â