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Mr.

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Les autoportraits de Mr. dévoilent les fantasmes qu’un artiste entretient avec sa muse, source de toutes ses inspirations artistiques, oniriques et érotiques. Il la peint à l’acrylique, la dessine sur papier et sur des emballages les plus divers. Elle lui trotte dans la tête et sur tout le reste du corps !

Mr., prononcer Mister, est le dernier de la bande de Murakami à prendre ses quartiers chez Perrotin. Après une exposition collective qui réunissait l’ensemble des assistants et des protégés de la star nippone, c’est au tour de Mr. de revenir en solo. Au fil des expositions personnelles de la troupe, il est intéressant de pouvoir redécouvrir et approfondir les travaux que l’on avait pu découvrir en juin 2002.

On avait déjà admiré ses jeunes Lolitas dans des poses accidentelles et sexy, où elles montraient leurs petites culottes blanches. Les grandes toiles acryliques mêlaient des images connues et attendues du Japon post-nucléaire : imagerie manga, perversité nationale, adoration des jeunes nymphettes en uniforme, fétichisme des dessous et infantilité assumée.

Mr. revient avec son égérie aux traits de dessin animé, avec le même sourire et les mêmes yeux grands ouverts. Avec la rapidité d’un dessinateur de film d’animation égrainant les croquis au rythme de vingt-quatre images seconde, Mr. dessine sans relâche cette petite bouille souriante. Issu de l’industrie graphique, Mr. distille vite et bien. Mais loin de toute mécanisation, de toute robotisation, il dessine d’une manière effrénée presque comme un réflexe. Il pose sa figure chérie sur tous les supports imaginables : calendrier, toile, plastique… Comme des sérigraphies pop son petit personnage est reproduit à l’infini, il estampille toutes les surfaces libres.

Cette frénésie est très bien expliquée dans une vidéo, qui montre l’artiste en train de peindre à la bombe aérosol sa Lolita, sur les piliers d’un pont autoroutier. La figure se répète sur le mur des villes. La démarche n’est pas celle d’un tagueur qui voudrait combattre son anonymat. Elle est à l’opposé de tout vandalisme, de toute revendication. Il s’agit simplement d’exporter son image sur une nouvelle cimaise. La vidéo est très belle, car elle éclaire l’intention de l’artiste et permet de mettre en résonance le reste de l’exposition ; elle parvient à satelliser autour d’elle les autres tableaux.

Le film fonctionne comme un autoportrait. Avant chaque prise Mr. prend toujours bien soin de se regarder sur l’écran de contrôle de la caméra. Il se met en scène lui et son personnage. Comme Pygmalion, il donne vie à sa créature. Entre rêve et désir, il dessine son fantasme autant que son idéal féminin. L’histoire qu’il écrit est une répétition, une retranscription. Il n’hésite pas à revenir sur les murs pour retracer les traits qui se sont effacés. L’encre labile est de nouveau recouverte par un nouveau bombage, le palimpseste sert de toile de fond à une réécriture. La frénésie tourne à l’obsession, mais ici la pratique n’est pas monomaniaque, elle n’est pas de l’ordre d’une écriture automatique ; elle résume plus un état rêveur et en perpétuel recherche d’un monde inaccessible, féerique et enfantin.

Les différents tableaux, sont autant de pages d’un journal intime écrit au quotidien. Mr. se représente à côté de sa muse, de son obsession, de celle qui hante ses esprits. La poésie du propos est vite rattrapée par des considération morales, juridiques, et par la rubrique faits divers. Lolita, cette enfant pré-pubère, est un objet de fantasme et de désir, elle est certes moins animée qu’un dessin animé, mais l’ambiguïté est difficilement surmontable. Les érections de l’artiste, les scènes de salle de bain, ses regards déplacés, son œil voyeur et obscène est gênant. L’amour peint est celui d’un artiste pour son art, il n’est pas un passage à l’acte, mais l’Europe, depuis l’affaire Dutroux, a fait de la lutte contre la pédophilie une de ses principales actions. Bien sûr, il faut distinguer la réalité de la fiction. Bien sûr, on peut évoquer Ronsard et Balthus. Il n’empêche que certaines toiles peuvent choquer.
Alain Souchon regardait sous les jupes des filles, Mr. pratique lui aussi un art de la culotte avec cette perversité que l’on connaît et pardonne aux Japonais en invoquant une différence culturelle. Mais a-t-on raison ou tort ? 

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