Jean-Marie Appriou
moyen âge
Le moyen âge, à cheval entre deux eaux, ingrat mitigé dans ses formes, évanoui quelque part entre deux mythes, damné du développement clinquant, adolescent turbulent formant la protubérance épidermique du label de l’histoire, dont on solliciterait volontiers une plus discrète existence. époque repoussée d’une société moderne qui n’y reconnaît qu’avec peine les signes de son présent, les prémisses et les genèses de ses structures mentales, préférant tracer une quatre voie entre Socrate et Diderot.
Mystérieux et menaçant, cet âge qui s’abîme dans le pouvoir symbolique des choses, où rien ne saurait être dissimulé, où l’ornement est légion, où l’histoire s’infiltre partout dans la matière, et dont Jean-Marie Appriou se fait l’animateur. Les objets et les corps y sont les signes tangibles de la foi et de son autorité, manifestes honnêtes d’une existence qu’on décore et qu’on pare. On y incarne les peurs, les angoisses, les doutes, on raconte sur les murs les questions et les hypothèses, on grave l’incompréhension, on en sculpte les hérauts et les prophètes, on manifeste sa pauvreté dans la pierre. Les images valent ce qu’elles valent, égales à elles-mêmes, négatifs bavards des troubles de l’homme. Esthétique low cost de l’instinct, Easyjet de la pulsion.
De la main de l’ermite saint Jean-Baptiste pointant «l’éternel point d’interrogation, le mystère de la création» (Kenneth Clark à propos de Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci (1513-1516), in Léonard de Vinci, Livre de Poche, 1967) à celle effectuant un flick and swipe sur le profane Iphone 5 guidant la navigation, il n’y a pourtant qu’un doigt. Un index, une intention, une incarnation motorisée sollicitant l’invisible. Le même doigt qui révèle la quête mystique, hostile à la perfection, effrayé par l’idée même d’une finitude, ce doigt qui appuie sur l’incertitude et active la manifestation d’une réponse. Ce même doigt de Rodin qui sculpte frénétiquement les abattis cherchant le membre juste, ce même doigt de Jeanne d’Arc dont on retire les bagues entachées de sorcellerie. Une même chorégraphie des âmes qui se joue au travers de cette extension tangible de la pensée, cette chair qui tente de tromper l’impénétrable, révélant une permanence des signes portant seulement le fardeau de leur travestissement au travers des temps.
C’est qu’il n’y a pas de havre dans l’humain et chez l’humain, pas de repos du corps possible, et cette pénitence pour être rendue plus soutenable vaut bien la peine d’être décorée.